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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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- Toi, essuie la pierre <strong>de</strong> ton fusil avec ton mouchoir. Mais as-tu jamais tiré un coup <strong>de</strong>fusil?- Je suis chasseur.- Dieu soit loué! reprit le caporal avec un gros soupir. Surtout ne tire pas avant l'ordreque je te donnerai; et il s'en alla.Fabrice était tout joyeux. Enfin je vais me battre réellement, se disait-il, tuer unennemi! Ce matin ils nous envoyaient <strong>de</strong>s boulets, et moi je ne faisais rien quem'exposer à être tué; métier <strong>de</strong> dupe. Il regardait <strong>de</strong> tous côtés avec une extrêmecuriosité. Au bout d'un moment, il entendit partir sept à huit coups <strong>de</strong> fusil tout près<strong>de</strong> lui. Mais, ne recevant point l'ordre <strong>de</strong> tirer, il se tenait tranquille <strong>de</strong>rrière son arbre.Il était presque nuit; il lui semblait être à l'espère, à la chasse <strong>de</strong> l'ours, dans lamontagne <strong>de</strong> la Tramezzina, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Grianta. Il lui vint une idée <strong>de</strong> chasseur; ilprit une cartouche dans sa giberne et en détacha la balle: si je le vois, dit-il, il ne fautpas que je le manque et il fit couler cette secon<strong>de</strong> balle dans le canon <strong>de</strong> son fusil. Ilentendit tirer <strong>de</strong>ux coups <strong>de</strong> feu tout à côté <strong>de</strong> son arbre; en même temps il vit uncavalier vêtu <strong>de</strong> bleu qui passait au galop <strong>de</strong>vant lui, se dirigeant <strong>de</strong> sa droite à sagauche. Il n'est pas à trois pas, se dit-il, mais à cette distance je suis sûr <strong>de</strong> moncoup, il suivit bien le cavalier du bout <strong>de</strong> son fusil et enfin pressa la détente; lecavalier tomba avec son cheval. Notre héros se croyait à la chasse: il courut toutjoyeux sur la pièce qu'il venait d'abattre. Il touchait déjà l'homme qui lui semblaitmourant, lorsque, avec une rapidité incroyable <strong>de</strong>ux cavaliers prussiens arrivèrent surlui pour le sabrer. Fabrice se sauva à toutes jambes vers le bois; pour mieux courir iljeta son fusil. Les cavaliers prussiens n'étaient plus qu'à trois pas <strong>de</strong> lui lorsqu'ilatteignit une nouvelle plantation <strong>de</strong> petits chênes gros <strong>com</strong>me le bras et bien droitsqui bordaient le bois. Ces petits chênes arrêtèrent un instant les cavaliers, mais ilspassèrent et se remirent à poursuivre Fabrice dans une clairière. De nouveau ilsétaient près <strong>de</strong> l'atteindre, lorsqu'il se glissa entre sept à huit gros arbres. À cemoment, il eut presque la figure brûlée par la flamme <strong>de</strong> cinq ou six coups <strong>de</strong> fusil quipartirent en avant <strong>de</strong> lui. Il baissa la tête; <strong>com</strong>me il la relevait, il se trouva vis-à-vis ducaporal.- Tu as tué le tien? lui dit le caporal Aubry.- Oui, mais j'ai perdu mon fusil.- Ce n'est pas les fusils qui nous manquent; tu es un bon b...; malgré ton aircornichon, tu as bien gagné ta journée, et ces soldats-ci viennent <strong>de</strong> manquer ces<strong>de</strong>ux qui te poursuivaient et venaient droit à eux; moi je ne les voyais pas. Il s'agitmaintenant <strong>de</strong> filer ron<strong>de</strong>ment; le régiment doit être à un <strong>de</strong>mi-quart <strong>de</strong> lieue, et, <strong>de</strong>plus, il y a un petit bout <strong>de</strong> prairie où nous pouvons être ramassés au <strong>de</strong>mi-cercle.Tout en parlant, le caporal marchait rapi<strong>de</strong>ment à la tête <strong>de</strong> ses dix hommes. À <strong>de</strong>uxcents pas <strong>de</strong> là, en entrant dans la petite prairie dont il avait parlé, on rencontra ungénéral blessé qui était porté par son ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> camp et par un domestique.- Vous allez me donner quatre hommes, dit-il au caporal d'une voix éteinte, il s'agit <strong>de</strong>me transporter à l'ambulance; j'ai la jambe fracassée.- Va te faire f..., répondit le caporal, toi et tous les généraux. Vous avez tous trahil'Empereur aujourd'hui .31

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