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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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avant <strong>de</strong> lui. J'allais m'endormir, se dit-il; il s'agit <strong>de</strong> n'être pas prisonnier; et il se mità marcher très vite. En avançant il fut rassuré, il reconnut l'uniforme, les régimentspar lesquels il craignait d'être coupé étaient français. Il obliqua à droite pour lesrejoindre.Après la douleur morale d'avoir été si indignement trahi et volé, il en était une autrequi, à chaque instant, se faisait sentir plus vivement: il mourait <strong>de</strong> faim. Ce fut doncavec une joie extrême qu'après avoir marché, ou plutôt couru pendant dix minutes, ils'aperçut que le corps d'infanterie, qui allait très vite aussi, s'arrêtait <strong>com</strong>me pourprendre position. Quelques minutes plus tard, il se trouvait au milieu <strong>de</strong>s premierssoldats.- Camara<strong>de</strong>s, pourriez-vous me vendre un morceau <strong>de</strong> pain?- Tiens, cet autre qui nous prend pour <strong>de</strong>s boulangers!Ce mot dur et le ricanement général qui le suivit accablèrent Fabrice. <strong>La</strong> guerre n'étaitdonc plus ce noble et <strong>com</strong>mun élan d'âmes amantes <strong>de</strong> la gloire qu'il s'était figuréd'après les proclamations <strong>de</strong> Napoléon! Il s'assit, ou plutôt se laissa tomber sur legazon; il <strong>de</strong>vint très pâle. Le soldat qui lui avait parlé, et qui s'était arrêté à dix paspour nettoyer la batterie <strong>de</strong> son fusil avec son mouchoir, s'approcha et lui jeta unmorceau <strong>de</strong> pain, puis, voyant qu'il ne le ramassait pas, le soldat lui mit un morceau<strong>de</strong> ce pain dans la bouche. Fabrice ouvrit les yeux, et mangea ce pain sans avoir laforce <strong>de</strong> parler. Quand enfin il chercha <strong>de</strong>s yeux le soldat pour le payer, il se trouvaseul, les soldats les plus voisins <strong>de</strong> lui étaient éloignés <strong>de</strong> cent pas et marchaient. Il seleva machinalement et les suivit. Il entra dans un bois; il allait tomber <strong>de</strong> fatigue etcherchait déjà <strong>de</strong> l'oeil une place <strong>com</strong>mo<strong>de</strong>; mais quelle ne fut pas sa joie enreconnaissant d'abord le cheval, puis la voiture, et enfin la cantinière du matin! Elleaccourut à lui et fut effrayée <strong>de</strong> sa mine.* Marche encore, mon petit, lui dit-elle; tu es donc blessé? et ton beau cheval? Enparlant ainsi elle le conduisait vers sa voiture, où elle le fit monter, en le soutenantpar-<strong>de</strong>ssous les bras. À peine dans la voiture, notre héros, excédé <strong>de</strong> fatigue,s'endormit profondément.Chapitre IVRien ne put le réveiller, ni les coups <strong>de</strong> fusil tirés fort près <strong>de</strong> la petite charrette, ni letrot du cheval que la cantinière fouettait à tour <strong>de</strong> bras. Le régiment attaqué àl'improviste par <strong>de</strong>s nuées <strong>de</strong> cavalerie prussienne, après avoir cru à la victoire toutela journée, battait en retraite, ou plutôt s'enfuyait du côté <strong>de</strong> la France.Le colonel, beau jeune homme, bien ficelé, qui venait <strong>de</strong> succé<strong>de</strong>r à Macon, fut sabré;le chef <strong>de</strong> bataillon qui le remplaça dans le <strong>com</strong>man<strong>de</strong>ment, vieillard à cheveuxblancs, fit faire halte au régiment.-F...! dit-il aux soldats, du temps <strong>de</strong> la république onattendait pour filer d'y être forcé par l'ennemi... Défen<strong>de</strong>z chaque pouce <strong>de</strong> terrain etfaites-vous tuer, s'écriait-il en jurant; c'est maintenant le sol <strong>de</strong> la patrie que cesPrussiens veulent envahir!<strong>La</strong> petite charrette s'arrêta, Fabrice se réveilla tout à coup. Le soleil était couché<strong>de</strong>puis longtemps; il fut tout étonné <strong>de</strong> voir qu'il était presque nuit. Les soldatscouraient <strong>de</strong> côté et d'autre dans une confusion qui surprit fort notre héros; il trouvaqu'ils avaient l'air penaud.29

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