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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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tirait d'un fort grand embarras... Oui, il faut en convenir, mon procédé est <strong>com</strong>plet,c'est à la fois <strong>de</strong> la grossièreté et <strong>de</strong> l'ingratitu<strong>de</strong>. Hélas! le pauvre jeune homme!maintenant qu'il est dans le malheur tout le mon<strong>de</strong> va se montrer ingrat envers lui. Ilm'avait bien dit alors: Vous souviendrez-vous <strong>de</strong> mon nom à <strong>Parme</strong>? Combien il meméprise à l'heure qu'il est! Un mot poli était si facile à dire! Il faut l'avouer, oui, maconduite a été atroce avec lui. Jadis, sans l'offre généreuse <strong>de</strong> la voiture <strong>de</strong> sa mère,j'aurais dû suivre les gendarmes à pied dans la poussière, ou, ce qui est bien pismonter en croupe <strong>de</strong>rrière un <strong>de</strong> ces gens-là; c'était alors mon père qui était arrêté etmoi sans défense! Oui, mon procédé est <strong>com</strong>plet. Et <strong>com</strong>bien un être <strong>com</strong>me lui a dûle sentir vivement! Quel contraste entre sa physionomie si noble et mon procédé!Quelle noblesse! quelle sérénité! Comme il avait l'air d'un héros entouré <strong>de</strong> ses vilsennemis! Je <strong>com</strong>prends maintenant la passion <strong>de</strong> la duchesse: puisqu'il est ainsi aumilieu d'un événement contrariant et qui peut avoir <strong>de</strong>s suites affreuses, quel ne doitilpas paraître lorsque son âme est heureuse!Le carrosse du gouverneur <strong>de</strong> la cita<strong>de</strong>lle resta plus d'une heure et <strong>de</strong>mi dans la courdu palais, et toutefois lorsque le général <strong>de</strong>scendit <strong>de</strong> chez le prince, Clélia ne trouvapoint qu'il y fût resté trop longtemps.- Quelle est la volonté <strong>de</strong> Son Altesse? <strong>de</strong>manda Clélia.- Sa parole a dit: la prison! et son regard: la mort!- <strong>La</strong> mort! Grand Dieu! s'écria Clélia.- Allons, tais-toi! reprit le général avec humeur; que je suis sot <strong>de</strong> répondre à unenfant!Pendant ce temps, Fabrice montait les trois cent quatre-vingts marches quiconduisaient à la tour Farnèse, nouvelle prison bâtie sur la plate-forme <strong>de</strong> la grossetour, à une élévation prodigieuse. Il ne songea pas une seule fois, distinctement dumoins, au grand changement qui venait <strong>de</strong> s'opérer dans son sort. Quel regard! sedisait-il; que <strong>de</strong> choses il exprimait! quelle profon<strong>de</strong> pitié! Elle avait l'air <strong>de</strong> dire: la vieest un tel tissu <strong>de</strong> malheurs! Ne vous affligez point trop <strong>de</strong> ce qui vous arrive! est-ceque nous ne sommes point ici-bas pour être infortunés? Comme ses yeux si beauxrestaient attachés sur moi, même quand les chevaux s'avançaient avec tant <strong>de</strong> bruitsous la voûte!Fabrice oubliait <strong>com</strong>plètement d'être malheureux.Clélia suivit son père dans plusieurs salons; au <strong>com</strong>mencement <strong>de</strong> la soirée, personnene savait encore la nouvelle <strong>de</strong> l'arrestation du grand coupable, car ce fut le nom queles courtisans donnèrent <strong>de</strong>ux heures plus tard à ce pauvre jeune homme impru<strong>de</strong>nt.On remarqua ce soir-là plus d'animation que <strong>de</strong> coutume dans la figure <strong>de</strong> Clélia; or,l'animation, l'air <strong>de</strong> prendre part à ce qui l'environnait, étaient surtout ce qui manquaità cette belle personne. Quand on <strong>com</strong>parait sa beauté à celle <strong>de</strong> la duchesse, c'étaitsurtout cet air <strong>de</strong> n'être émue par rien, cette façon d'être <strong>com</strong>me au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> touteschoses, qui faisaient pencher la balance en faveur <strong>de</strong> sa rivale. En Angleterre, enFrance, pays <strong>de</strong> vanité, on eût été probablement d'un avis tout opposé. Clélia Contiétait une jeune fille encore un peu trop svelte que l'on pouvait <strong>com</strong>parer aux bellesfigures du Gui<strong>de</strong>; nous ne dissimulerons point que, suivant les données <strong>de</strong> la beautégrecque, on eût pu reprocher à cette tête <strong>de</strong>s traits un peu marqués, par exemple, leslèvres remplies <strong>de</strong> la grâce la plus touchante étaient un peu fortes.153

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