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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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duchesse <strong>de</strong> la souveraine. <strong>La</strong> duchesse, surprise et presque déconcertée, ne savait oùtrouver <strong>de</strong>s termes pour se mettre à une place inférieure à celle que la princesse sedonnait à elle-même. Pour rendre quelque sang-froid à cette pauvre princesse, qui aufond ne manquait point d'esprit, la duchesse ne trouva rien <strong>de</strong> mieux que d'entamer et<strong>de</strong> faire durer une longue dissertation sur la botanique. <strong>La</strong> princesse était réellementsavante en ce genre; elle avait <strong>de</strong> fort belles serres avec force plantes <strong>de</strong>s tropiques.<strong>La</strong> duchesse, en cherchant tout simplement à se tirer d'embarras, fit à jamais laconquête <strong>de</strong> la princesse Clara-Paolina, qui, <strong>de</strong> timi<strong>de</strong> et d'interdite qu'elle avait été au<strong>com</strong>mencement <strong>de</strong> l'audience, se trouva vers la fin tellement à son aise, que, contretoutes les règles <strong>de</strong> l'étiquette, cette première audience ne dura pas moins <strong>de</strong> cinqquarts d'heure. Le len<strong>de</strong>main, la duchesse fit acheter <strong>de</strong>s plantes exotiques, et seporta pour grand amateur <strong>de</strong> botanique.<strong>La</strong> princesse passait sa vie avec le vénérable père <strong>La</strong>ndriani, archevêque <strong>de</strong> <strong>Parme</strong>,homme <strong>de</strong> science, homme d'esprit même, et parfaitement honnête homme, mais quioffrait un singulier spectacle quand il était assis dans sa chaise <strong>de</strong> velours cramoisi(c'était le droit <strong>de</strong> sa place), vis-à-vis le fauteuil <strong>de</strong> la princesse, entourée <strong>de</strong> sesdames d'honneur et <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux dames pour ac<strong>com</strong>pagner. Le vieux prélat en longscheveux blancs était encore plus timi<strong>de</strong>, s'il se peut, que la princesse; ils se voyaienttous les jours, et toutes les audiences <strong>com</strong>mençaient par un silence d'un gros quartd'heure. C'est au point que la <strong>com</strong>tesse Alvizi, une <strong>de</strong>s dames pour ac<strong>com</strong>pagner était<strong>de</strong>venue une sorte <strong>de</strong> favorite, parce qu'elle avait l'art <strong>de</strong> les encourager à se parler et<strong>de</strong> les faire rompre le silence.Pour terminer le cours <strong>de</strong> ses présentations, la duchesse fut admise chez S.A.S. leprince héréditaire, personnage d'une plus haute taille que son père, et plus timi<strong>de</strong> quesa mère. Il était fort en minéralogie, et avait seize ans. Il rougit excessivement envoyant entrer la duchesse, et fut tellement désorienté, que jamais il ne put inventerun mot à dire à cette belle dame. Il était fort bel homme, et passait sa vie dans lesbois un marteau à la main. Au moment où la duchesse se levait pour mettre fin à cetteaudience silencieuse:- Mon Dieu! madame, que vous êtes jolie! s'écria le prince héréditaire, ce qui ne futpas trouvé <strong>de</strong> trop mauvais goût par la dame présentée.<strong>La</strong> marquise Balbi, jeune femme <strong>de</strong> vingt-cinq ans, pouvait encore passer pour le plusparfait modèle du joli italien, <strong>de</strong>ux ou trois ans avant l'arrivée <strong>de</strong> la duchesseSanseverina à <strong>Parme</strong>. Maintenant c'étaient toujours les plus beaux yeux du mon<strong>de</strong> etles petites mines les plus gracieuses; mais, vue <strong>de</strong> près, sa peau était parsemée d'unnombre infini <strong>de</strong> petites ri<strong>de</strong>s fines, qui faisaient <strong>de</strong> la marquise <strong>com</strong>me une jeunevieille. Aperçue à une certaine distance par exemple au théâtre, dans sa loge, c'étaitencore une beauté; et les gens du parterre trouvaient le prince <strong>de</strong> fort bon goût. Ilpassait toutes les soirées chez la marquise Balbi, mais souvent sans ouvrir la bouche,et l'ennui où elle voyait le prince avait fait tomber cette pauvre femme dans unemaigreur extraordinaire. Elle prétendait à une finesse sans bornes, et toujours souriaitavec malice; elle avait les plus belles <strong>de</strong>nts du mon<strong>de</strong>, et à tout hasard n'ayant guère<strong>de</strong> sens, elle voulait, par un sourire malin, faire entendre autre chose que ce quedisaient ses paroles. Le <strong>com</strong>te Mosca disait que c'étaient ces sourires continuels,tandis qu'elle bâillait intérieurement, qui lui donnaient tant <strong>de</strong> ri<strong>de</strong>s. <strong>La</strong> Balbi entraitdans toutes les affaires, et l'état ne faisait pas un marché <strong>de</strong> mille francs, sans qu'il yeût un souvenir pour la marquise (c'était le mot honnête à <strong>Parme</strong>). Le bruit publicvoulait qu'elle eût placé dix millions <strong>de</strong> francs en Angleterre, mais sa fortune, à lavérité <strong>de</strong> fraîche date, ne s'élevait pas en réalité à quinze cent mille francs. C'étaitpour être à l'abri <strong>de</strong> ses finesses, et pour l'avoir dans sa dépendance, que le <strong>com</strong>te66

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