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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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Il n'avait été sensible ni à son acquittement, ni à son installation dans <strong>de</strong> bellesfonctions, les premières qu'il eût eues à remplir dans sa vie, ni à sa belle position dansle mon<strong>de</strong>, ni enfin à la cour assidue que lui faisaient tous les ecclésiastiques et tous lesdévots du diocèse. Le charmant appartement qu'il avait au palais Sanseverina ne setrouva plus suffisant. À son extrême plaisir, la duchesse fut obligée <strong>de</strong> lui cé<strong>de</strong>r tout lesecond étage <strong>de</strong> son palais et <strong>de</strong>ux beaux salons au premier, lesquels étaient toujoursremplis <strong>de</strong> personnages attendant l'instant <strong>de</strong> faire leur cour au jeune coadjuteur. <strong>La</strong>clause <strong>de</strong> future succession avait produit un effet surprenant dans le pays; on faisaitmaintenant <strong>de</strong>s vertus à Fabrice <strong>de</strong> toutes ces qualités fermes <strong>de</strong> son caractère, quiautrefois scandalisaient si fort les courtisans pauvres et nigauds.Ce fut une gran<strong>de</strong> leçon <strong>de</strong> philosophie pour Fabrice que <strong>de</strong> se trouver parfaitementinsensible à tous ces honneurs, et beaucoup plus malheureux dans cet appartementmagnifique, avec dix laquais portant sa livrée, qu'il n'avait été dans sa chambre <strong>de</strong>bois <strong>de</strong> la tour Farnèse, environné <strong>de</strong> hi<strong>de</strong>ux geôliers, et craignant toujours pour savie. Sa mère et sa soeur, la duchesse V***, qui vinrent à <strong>Parme</strong> pour le voir dans sagloire, furent frappées <strong>de</strong> sa profon<strong>de</strong> tristesse. <strong>La</strong> marquise <strong>de</strong>l Dongo, maintenant lamoins romanesque <strong>de</strong>s femmes, en fut si profondément alarmée qu'elle crut qu'à latour Farnèse on lui avait fait prendre quelque poison lent. Malgré son extrêmediscrétion, elle crut <strong>de</strong>voir lui parler <strong>de</strong> cette tristesse si extraordinaire, et Fabrice nerépondit que par <strong>de</strong>s larmes.Une foule d'avantages, conséquence <strong>de</strong> sa brillante position, ne produisaient chez luid'autre effet que <strong>de</strong> lui donner <strong>de</strong> l'humeur. Son frère, cette âme vaniteuse etgangrenée par le plus vil égoïsme, lui écrivit une lettre <strong>de</strong> congratulation presqueofficielle, et à cette lettre était joint un mandat <strong>de</strong> 50 000 francs, afin qu'il pût, disaitle nouveau marquis, acheter <strong>de</strong>s chevaux et une voiture dignes <strong>de</strong> son nom. Fabriceenvoya cette somme à sa soeur ca<strong>de</strong>tte, mal mariée.Le <strong>com</strong>te Mosca avait fait faire une belle traduction, en italien, <strong>de</strong> la généalogie <strong>de</strong> lafamille Valserra <strong>de</strong>l Dongo, publiée jadis en latin par l'archevêque <strong>de</strong> <strong>Parme</strong>, Fabrice.Il la fit imprimer magnifiquement avec le texte latin en regard; les gravures avaientété traduites par <strong>de</strong> superbes lithographies faites à Paris. <strong>La</strong> duchesse avait vouluqu'un beau portrait <strong>de</strong> Fabrice fût placé vis-à-vis celui <strong>de</strong> l'ancien archevêque. Cettetraduction fut publiée <strong>com</strong>me étant l'ouvrage <strong>de</strong> Fabrice pendant sa premièredétention. Mais tout était anéanti chez notre héros, même la vanité si naturelle àl'homme; il ne daigna pas lire une seule page <strong>de</strong> cet ouvrage qui lui était attribué. Saposition dans le mon<strong>de</strong> lui fit une obligation d'en présenter un exemplairemagnifiquement relié au prince, qui crut lui <strong>de</strong>voir un dédommagement pour la mortcruelle dont il avait été si près, et lui accorda les gran<strong>de</strong>s entrées <strong>de</strong> sa chambre,faveur qui donne l'excellence.Chapitre XXVILes seuls instants pendant lesquels Fabrice eut quelque chance <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> saprofon<strong>de</strong> tristesse, étaient ceux qu'il passait caché <strong>de</strong>rrière un carreau <strong>de</strong> vitre, parlequel il avait fait remplacer un carreau <strong>de</strong> papier huilé à la fenêtre <strong>de</strong> sonappartement vis-à-vis le palais Contarini, où, <strong>com</strong>me on sait, Clélia s'était réfugiée; lepetit nombre <strong>de</strong> fois qu'il l'avait vue <strong>de</strong>puis qu'il était sorti <strong>de</strong> la cita<strong>de</strong>lle, il avait étéprofondément affligé d'un changement frappant, et qui lui semblait du plus mauvaisaugure. Depuis sa faute, la physionomie <strong>de</strong> Clélia avait pris un caractère <strong>de</strong> noblesseet <strong>de</strong> sérieux vraiment remarquable; on eût dit qu'elle avait trente ans. Dans ce266

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