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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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pavé. Plus <strong>de</strong> vingt mille curieux vinrent visiter la rue dans la journée. Les villesd'Italie sont accoutumées à <strong>de</strong>s spectacles singuliers, mais toujours elles savent lepourquoi et le <strong>com</strong>ment. Ce qui choqua <strong>Parme</strong> dans cette occurrence, ce fut quemême un mois après, quand on cessa <strong>de</strong> parler uniquement <strong>de</strong> la promena<strong>de</strong> auxflambeaux, personne, grâce à la pru<strong>de</strong>nce du <strong>com</strong>te Mosca, n'avait pu <strong>de</strong>viner le nomdu rival qui avait voulu enlever la Fausta au <strong>com</strong>te M***. Cet amant jaloux etvindicatif avait pris la fuite dès le <strong>com</strong>mencement <strong>de</strong> la promena<strong>de</strong>. Par ordre du<strong>com</strong>te, la Fausta fut mise à la cita<strong>de</strong>lle. <strong>La</strong> duchesse rit beaucoup d'une petite injusticeque le <strong>com</strong>te dut se permettre pour arrêter tout à fait la curiosité du prince, quiautrement eût pu arriver jusqu'au nom <strong>de</strong> Fabrice.On voyait à <strong>Parme</strong> un savant homme arrivé du nord pour écrire une histoire du moyenâge; il cherchait <strong>de</strong>s manuscrits dans les bibliothèques, et le <strong>com</strong>te lui avait donnétoutes les autorisations possibles. Mais ce savant, fort jeune encore, se montraitirascible; il croyait, par exemple, que tout le mon<strong>de</strong> à <strong>Parme</strong> cherchait à se moquer <strong>de</strong>lui. Il est vrai que les gamins <strong>de</strong>s rues le suivaient quelquefois à cause d'une immensechevelure rouge clair étalée avec orgueil. Ce savant croyait qu'à l'auberge on lui<strong>de</strong>mandait <strong>de</strong>s prix exagérés <strong>de</strong> toutes choses, et il ne payait pas la moindre bagatellesans en chercher le prix dans le voyage d'une Mme Starke qui est arrivé à unevingtième édition, parce qu'il indique à l'Anglais pru<strong>de</strong>nt le prix d'un dindon, d'unepomme, d'un verre <strong>de</strong> lait, etc., etc...Le savant à la crinière rouge, le soir même du jour où Fabrice fit cette promena<strong>de</strong>forcée, <strong>de</strong>vint furieux à son auberge, et sortit <strong>de</strong> sa poche <strong>de</strong> petits pistolets pour sevenger du cameriere qui lui <strong>de</strong>mandait <strong>de</strong>ux sous d'une pêche médiocre. On l'arrêta,car porter <strong>de</strong> petits pistolets est un grand crime!Comme ce savant irascible était long et maigre, le <strong>com</strong>te eut l'idée, le len<strong>de</strong>mainmatin, <strong>de</strong> le faire passer aux yeux du prince pour le téméraire qui, ayant prétenduenlever la Fausta au <strong>com</strong>te M***, avait été mystifié. Le port <strong>de</strong>s pistolets <strong>de</strong> poche estpuni <strong>de</strong> trois ans <strong>de</strong> galère à <strong>Parme</strong>; mais cette peine n'est jamais appliquée. Aprèsquinze jours <strong>de</strong> prison, pendant lesquels le savant n'avait vu qu'un avocat qui lui avaitfait une peur horrible <strong>de</strong>s lois atroces dirigées par la pusillanimité <strong>de</strong>s gens au pouvoircontre les porteurs d'armes cachées, un autre avocat visita la prison et lui raconta lapromena<strong>de</strong> infligée par le <strong>com</strong>te M*** à un rival qui était resté inconnu. <strong>La</strong> police neveut pas avouer au prince qu'elle n'a pu savoir quel est ce rival: Avouez que vousvouliez plaire à la Fausta, que cinquante brigands vous ont enlevé <strong>com</strong>me vouschantiez sous sa fenêtre, que pendant une heure on vous a promené en chaise àporteurs sans vous adresser autre chose que <strong>de</strong>s honnêtetés. Cet aveu n'a riend'humiliant, on ne vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu'un mot. Aussitôt après qu'en le prononçant vousaurez tiré la police d'embarras, elle vous embarque sur une chaise <strong>de</strong> poste et vousconduit à la frontière où l'on vous souhaite le bonsoir.Le savant résista pendant un mois; <strong>de</strong>ux ou trois fois le prince fut sur le point <strong>de</strong> lefaire amener au ministère <strong>de</strong> l'intérieur, et <strong>de</strong> se trouver présent à l'interrogatoire.Mais enfin il n'y songeait plus quand l'historien, ennuyé, se détermina à tout avouer etfut conduit à la frontière. Le prince resta convaincu que le rival du <strong>com</strong>te M*** avaitune forêt <strong>de</strong> cheveux rouges.Trois jours après la promena<strong>de</strong>, <strong>com</strong>me Fabrice qui se cachait à Bologne organisaitavec le fidèle Ludovic les moyens <strong>de</strong> trouver le <strong>com</strong>te M***, il apprit que, lui aussi, secachait dans un village <strong>de</strong> la montagne sur la route <strong>de</strong> Florence. Le <strong>com</strong>te n'avait quetrois <strong>de</strong> ses buli avec lui; le len<strong>de</strong>main, au moment où il rentrait <strong>de</strong> la promena<strong>de</strong>, ilfut enlevé par huit hommes masqués qui se donnèrent à lui pour <strong>de</strong>s sbires <strong>de</strong> <strong>Parme</strong>.135

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