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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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coquin-là était à peindre; elle rendait justice à toute l'infamie <strong>de</strong> son rôle, et, tandisque les mouvements rapi<strong>de</strong>s et désordonnés <strong>de</strong> ses yeux trahissaient la connaissancequ'il avait <strong>de</strong> ses mérites, l'assurance arrogante et grimaçante <strong>de</strong> sa bouche montraitqu'il savait lutter contre le mépris.Comme ce personnage va prendre une assez gran<strong>de</strong> influence sur la <strong>de</strong>stinée <strong>de</strong>Fabrice, on peut en dire un mot. Il était grand, il avait <strong>de</strong> beaux yeux fort intelligents,mais un visage abîmé par la petite vérole; pour <strong>de</strong> l'esprit, il en avait, et beaucoup etdu plus fin; on lui accordait <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r parfaitement la science du droit, mais c'étaitsurtout par l'esprit <strong>de</strong> ressource qu'il brillait. De quelque sens que pût se présenterune affaire, il trouvait facilement, et en peu d'instants, les moyens fort bien fondés endroit d'arriver à une condamnation ou à un acquittement; il était surtout le roi <strong>de</strong>sfinesses <strong>de</strong> procureur.À cet homme, que <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s monarchies eussent envié au prince <strong>de</strong> <strong>Parme</strong>, on neconnaissait qu'une passion: être en conversation intime avec <strong>de</strong> grands personnageset leur plaire par <strong>de</strong>s bouffonneries. Peu lui importait que l'homme puissant rît <strong>de</strong> cequ'il disait, ou <strong>de</strong> sa propre personne, ou fît <strong>de</strong>s plaisanteries révoltantes sur MmeRassi; pourvu qu'il le vît rire et qu'on le traitât avec familiarité, il était content.Quelquefois le prince, ne sachant plus <strong>com</strong>ment abuser <strong>de</strong> la dignité <strong>de</strong> ce grand juge,lui donnait <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> pied; si les coups <strong>de</strong> pied lui faisaient mal, il se mettait àpleurer. Mais l'instinct <strong>de</strong> bouffonnerie était si puissant chez lui, qu'on le voyait tousles jours préférer le salon d'un ministre qui le bafouait, à son propre salon où il régnait<strong>de</strong>spotiquement sur toutes les robes noires du pays. Le Rassi s'était surtout fait uneposition à part, en ce qu'il était impossible au noble le plus insolent <strong>de</strong> pouvoirl'humilier; sa façon <strong>de</strong> se venger <strong>de</strong>s injures qu'il essuyait toute la journée était <strong>de</strong> lesraconter au prince, auquel il s'était acquis le privilège <strong>de</strong> tout dire; il est vrai quesouvent la réponse était un soufflet bien appliqué et qui faisait mal, mais il ne s'enformalisait aucunement. <strong>La</strong> présence <strong>de</strong> ce grand juge distrayait le prince dans sesmoments <strong>de</strong> mauvaise humeur, alors il s'amusait à l'outrager. On voit que Rassi étaità peu près l'homme parfait à la cour: sans honneur et sans humeur.- Il faut du secret avant tout, lui cria le prince sans le saluer, et le traitant tout à fait<strong>com</strong>me un cuistre, lui qui était si poli avec tout le mon<strong>de</strong>. De quand votre sentenceest-elle datée?- Altesse Sérénissime, d'hier matin.- De <strong>com</strong>bien <strong>de</strong> juges est-elle signée?- De tous les cinq.- Et la peine?- Vingt ans <strong>de</strong> forteresse, <strong>com</strong>me Votre Altesse Sérénissime me l'avait dit.- <strong>La</strong> peine <strong>de</strong> mort eût révolté, dit le prince <strong>com</strong>me se parlant à soi-même, c'estdommage! Quel effet sur cette femme! Mais c'est un <strong>de</strong>l Dongo, et ce nom est révérédans <strong>Parme</strong>, à cause <strong>de</strong>s trois archevêques presque successifs... Vous me dites vingtans <strong>de</strong> forteresse?- Oui, Altesse Sérénissime, reprit le fiscal Rassi toujours <strong>de</strong>bout et plié en <strong>de</strong>ux, avec,au préalable, excuse publique <strong>de</strong>vant le portrait <strong>de</strong> Son Altesse Sérénissime; <strong>de</strong> plus,146

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