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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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<strong>La</strong> duchesse courut à la forteresse; le général Fabio Conti fut enchanté d'avoir à luiopposer le texte formel <strong>de</strong>s lois militaires: personne ne peut pénétrer dans une prisond'état sans un ordre signé du prince.- Mais le marquis Crescenzi et ses musiciens viennent chaque jour à la cita<strong>de</strong>lle?- C'est que j'ai obtenu pour eux un ordre du prince.<strong>La</strong> pauvre duchesse ne connaissait pas tous ses malheurs. Le général Fabio Contis'était regardé <strong>com</strong>me personnellement déshonoré par la fuite <strong>de</strong> Fabrice: lorsqu'il levit arriver à la cita<strong>de</strong>lle, il n'eût pas dû le recevoir, car il n'avait aucun ordre pour cela.Mais, se dit-il, c'est le ciel qui me l'envoie pour réparer mon honneur et me sauver duridicule qui flétrirait ma carrière militaire. Il s'agit <strong>de</strong> ne pas manquer à l'occasion:sans doute on va l'acquitter, et je n'ai que peu <strong>de</strong> jours pour me venger.Chapitre XXVL'arrivée <strong>de</strong> notre héros mit Clélia au désespoir: la pauvre fille, pieuse et sincère avecelle-même, ne pouvait se dissimuler qu'il n'y aurait jamais <strong>de</strong> bonheur pour elle loin<strong>de</strong> Fabrice; mais elle avait fait voeu à la Madone, lors du <strong>de</strong>mi-empoisonnement <strong>de</strong>son père, <strong>de</strong> faire à celui-ci le sacrifice d'épouser le marquis Crescenzi. Elle avait fait levoeu <strong>de</strong> ne jamais revoir Fabrice, et déjà elle était en proie aux remords les plusaffreux, pour l'aveu auquel elle avait été entraînée dans la lettre qu'elle avait écrite àFabrice la veille <strong>de</strong> sa fuite. Comment peindre ce qui se passa dans ce triste coeurlorsque, occupée mélancoliquement à voir voltiger ses oiseaux, et levant les yeux parhabitu<strong>de</strong> et avec tendresse vers la fenêtre <strong>de</strong> laquelle autrefois Fabrice la regardait,elle l'y vit <strong>de</strong> nouveau qui la saluait avec un tendre respect.Elle crut à une vision que le ciel permettait pour la punir; puis l'atroce réalité apparutà sa raison. Ils l'ont repris, se dit-elle, et il est perdu! Elle se rappelait les propos tenusdans la forteresse après la fuite; les <strong>de</strong>rniers <strong>de</strong>s geôliers s'estimaient mortellementoffensés. Clélia regarda Fabrice, et malgré elle, ce regard peignit en entier la passionqui la mettait au désespoir.Croyez-vous, semblait-elle dire à Fabrice, que je trouverai le bonheur dans ce palaissomptueux qu'on prépare pour moi? Mon père me répète à satiété que vous êtes aussipauvre que nous; mais, grand Dieu! avec quel bonheur je partagerais cette pauvreté!Mais, hélas! nous ne <strong>de</strong>vons jamais nous revoir.Clélia n'eut pas la force d'employer les alphabets: en regardant Fabrice elle se trouvamal et tomba sur une chaise à côté <strong>de</strong> la fenêtre. Sa figure reposait sur l'appui <strong>de</strong>cette fenêtre; et, <strong>com</strong>me elle avait voulu le voir jusqu'au <strong>de</strong>rnier moment, son visageétait tourné vers Fabrice, qui pouvait l'apercevoir en entier. Lorsque après quelquesinstants elle rouvrit les yeux, son premier regard fut pour Fabrice: elle vit <strong>de</strong>s larmesdans ses yeux; mais ces larmes étaient l'effet <strong>de</strong> l'extrême bonheur; il voyait quel'absence ne l'avait point fait oublier. Les <strong>de</strong>ux pauvres jeunes gens restèrent quelquetemps <strong>com</strong>me enchantés dans la vue l'un <strong>de</strong> l'autre. Fabrice osa chanter, <strong>com</strong>me s'ils'ac<strong>com</strong>pagnait <strong>de</strong> la guitare, quelques mots improvisés et qui disaient: C'est pourvous revoir; que je suis revenu en prison: on va me juger.Ces mots semblèrent réveiller toute la vertu <strong>de</strong> Clélia: elle se leva rapi<strong>de</strong>ment, secacha les yeux, et, par les gestes les plus vifs, chercha à lui exprimer qu'elle ne <strong>de</strong>vait255

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