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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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par une femme sans coeur et qui, <strong>de</strong>puis longtemps, lui préférait un jeune homme. Leseul archevêque eut l'esprit, ou plutôt le coeur, <strong>de</strong> <strong>de</strong>viner que l'honneur défendait au<strong>com</strong>te <strong>de</strong> rester premier ministre dans un pays où l'on allait couper la tête, et sans leconsulter, à un jeune homme, son protégé. <strong>La</strong> nouvelle <strong>de</strong> la démission du <strong>com</strong>te eutl'effet <strong>de</strong> guérir <strong>de</strong> sa goutte le général Fabio Conti, <strong>com</strong>me nous le dirons en son lieu,lorsque nous parlerons <strong>de</strong> la façon dont le pauvre Fabrice passait son temps à lacita<strong>de</strong>lle, pendant que toute la ville s'enquérait <strong>de</strong> l'heure <strong>de</strong> son supplice.Le jour suivant, le <strong>com</strong>te revit Bruno, cet agent fidèle qu'il avait expédié sur Bologne;le <strong>com</strong>te s'attendrit au moment où cet homme entrait dans son cabinet; sa vue luirappelait l'état heureux où il se trouvait lorsqu'il l'avait envoyé à Bologne, presqued'accord avec la duchesse. Bruno arrivait <strong>de</strong> Bologne où il n'avait rien découvert; iln'avait pu trouver Ludovic, que le po<strong>de</strong>stat <strong>de</strong> Castelnovo avait gardé dans la prison<strong>de</strong> son village.- Je vais vous renvoyer à Bologne, dit le <strong>com</strong>te à Bruno: la duchesse tiendra au tristeplaisir <strong>de</strong> connaître les détails du malheur <strong>de</strong> Fabrice. Adressez-vous au brigadier <strong>de</strong>gendarmerie qui <strong>com</strong>man<strong>de</strong> le poste <strong>de</strong> Castelnovo...- Mais non! s'écria le <strong>com</strong>te en s'interrompant; partez à l'instant même pour laLombardie, et distribuez <strong>de</strong> l'argent et en gran<strong>de</strong> quantité à tous nos correspondants.Mon but est d'obtenir <strong>de</strong> tous ces gens-là <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong> la nature la plusencourageante. Bruno ayant bien <strong>com</strong>pris le but <strong>de</strong> sa mission, se mit à écrire seslettres <strong>de</strong> créance; <strong>com</strong>me le <strong>com</strong>te lui donnait ses <strong>de</strong>rnières instructions, il reçut unelettre parfaitement fausse, mais fort bien écrite; on eût dit un ami écrivant à son amipour lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un service. L'ami qui écrivait n'était autre que le prince. Ayant ouïparler <strong>de</strong> certains projets <strong>de</strong> retraite, il suppliait son ami, le <strong>com</strong>te Mosca, <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r leministère; il le lui <strong>de</strong>mandait au nom <strong>de</strong> l'amitié et <strong>de</strong>s dangers <strong>de</strong> la patrie; et le luiordonnait <strong>com</strong>me son maître. Il ajoutait que le roi <strong>de</strong> M*** venant <strong>de</strong> mettre à sadisposition <strong>de</strong>ux cordons <strong>de</strong> son ordre, il en gardait un pour lui, et envoyait l'autre àson cher <strong>com</strong>te Mosca.Cet animal-là fait mon malheur! s'écria le <strong>com</strong>te furieux, <strong>de</strong>vant Bruno stupéfait, etcroit me séduire par ces mêmes phrases hypocrites que tant <strong>de</strong> fois nous avonsarrangées ensemble pour prendre à la glu quelque sot. Il refusa l'ordre qu'on luioffrait, et dans sa réponse parla <strong>de</strong> l'état <strong>de</strong> sa santé <strong>com</strong>me ne lui laissant que bienpeu d'espérance <strong>de</strong> pouvoir s'acquitter longtemps encore <strong>de</strong>s pénibles travaux duministère. Le <strong>com</strong>te était furieux. Un instant après on annonça le fiscal Rassi, qu'iltraita <strong>com</strong>me un nègre.- Eh bien! parce que je vous ai fait noble, vous <strong>com</strong>mencez à faire l'insolent! Pourquoin'être pas venu hier pour me remercier, <strong>com</strong>me c'était votre <strong>de</strong>voir étroit, monsieur lecuistre?Le Rassi était bien au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s injures; c'était sur ce ton-là qu'il était journellementreçu par le prince; mais il voulait être baron et se justifia avec esprit. Rien n'était plusfacile.- Le prince m'a tenu cloué à une table hier toute la journée; je n'ai pu sortir du palais.Son Altesse m'a fait copier <strong>de</strong> ma mauvaise écriture <strong>de</strong> procureur une quantité <strong>de</strong>pièces diplomatiques tellement niaises et tellement bavar<strong>de</strong>s que je crois, en vérité,que son but unique était <strong>de</strong> me retenir prisonnier. Quand enfin j'ai pu prendre congé,vers les cinq heures, mourant <strong>de</strong> faim, il m'a donné l'ordre d'aller chez moidirectement, et <strong>de</strong> n'en pas sortir <strong>de</strong> la soirée. En effet, j'ai vu <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> ses espions172

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