La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com
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cita<strong>de</strong>lle où le général Conti <strong>com</strong>mandait <strong>com</strong>me il fût sorti <strong>de</strong> la Steccata (laprincipale église <strong>de</strong> <strong>Parme</strong>)?- J'ignore en effet bien <strong>de</strong>s choses, mon cher capitaine, et je suis un pauvre imbécilequi fais <strong>de</strong>s bévues toute la journée.Cette réplique, tout à fait dans le goût italien, fit rire aux dépens du brillant officier. <strong>La</strong>marquise rentra bientôt; elle s'était armée <strong>de</strong> courage, et n'était pas sans quelquevague espérance <strong>de</strong> pouvoir elle-même admirer ce portrait <strong>de</strong> Fabrice, que l'on disaitexcellent. Elle parla <strong>de</strong>s éloges du talent <strong>de</strong> Hayez, qui l'avait fait. Sans le savoir elleadressait <strong>de</strong>s sourires charmants au Gonzo qui regardait l'officier d'un air malin.Comme tous les autres courtisans <strong>de</strong> la maison se livraient au même plaisir, l'officierprit la fuite, non sans vouer une haine mortelle au Gonzo; celui-ci triomphait, et, lesoir, en prenant congé, fut engagé à dîner pour le len<strong>de</strong>main.- En voici bien d'une autre! s'écria Gonzo, le len<strong>de</strong>main, après le dîner, quand lesdomestiques furent sortis, n'arrive-t-il pas que notre coadjuteur est tombé amoureux<strong>de</strong> la petite Marini!...On peut juger du trouble qui s'éleva dans le coeur <strong>de</strong> Clélia en entendant un mot aussiextraordinaire. Le marquis lui-même fut ému.- Mais Gonzo, mon ami, vous battez la campagne <strong>com</strong>me à l'ordinaire! et vous <strong>de</strong>vriezparler avec un peu plus <strong>de</strong> retenue d'un personnage qui a eu l'honneur <strong>de</strong> faire onzefois la partie <strong>de</strong> whist <strong>de</strong> Son Altesse!- Eh bien! monsieur le marquis, répondit le Gonzo avec la grossièreté <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong>cette espèce, je puis vous jurer qu'il voudrait bien aussi faire la partie <strong>de</strong> la petiteMarini. Mais il suffit que ces détails vous déplaisent; ils n'existent plus pour moi, quiveux avant tout ne pas choquer mon adorable marquis.Toujours, après le dîner, le marquis se retirait pour faire la sieste. Il n'eut gar<strong>de</strong>, cejour-là; mais le Gonzo se serait plutôt coupé la langue que d'ajouter un mot sur lapetite Marini; et, à chaque instant, il <strong>com</strong>mençait un discours, calculé <strong>de</strong> façon à ceque le marquis pût espérer qu'il allait revenir aux amours <strong>de</strong> la petite bourgeoise. LeGonzo avait supérieurement cet esprit italien qui consiste à différer avec délices <strong>de</strong>lancer le mot désiré. Le pauvre marquis, mourant <strong>de</strong> curiosité, fut obligé <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>savances: il dit à Gonzo que, quand il avait le plaisir <strong>de</strong> dîner avec lui, il mangeait <strong>de</strong>uxfois davantage. Gonzo ne <strong>com</strong>prit pas, et se mit à décrire une magnifique galerie <strong>de</strong>tableaux que formait la marquise Balbi, la maîtresse du feu prince; trois ou quatre foisil parla <strong>de</strong> Hayez, avec l'accent plein <strong>de</strong> lenteur <strong>de</strong> l'admiration la plus profon<strong>de</strong>. Lemarquis se disait: Bon! il va arriver enfin au portrait <strong>com</strong>mandé par la petite Marini!Mais c'est ce que Gonzo n'avait gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire. Cinq heures sonnèrent, ce qui donnabeaucoup d'humeur au marquis, qui était accoutumé à monter en voiture à cinqheures et <strong>de</strong>mie, après sa sieste, pour aller au Corso.- Voilà <strong>com</strong>ment vous êtes, avec vos bêtises! dit-il grossièrement au Gonzo; vous meferez arriver au Corso après la princesse, dont je suis le chevalier d'honneur, et quipeut avoir <strong>de</strong>s ordres à me donner. Allons! dépêchez! dites-moi en peu <strong>de</strong> paroles, sivous le pouvez, ce que c'est que ces prétendus amours <strong>de</strong> monseigneur le coadjuteur?Mais le Gonzo voulait réserver ce récit pour l'oreille <strong>de</strong> la marquise, qui l'avait invité àdîner; il dépêcha donc, en fort peu <strong>de</strong> mots, l'histoire réclamée, et le marquis, à moitiéendormi, courut faire sa sieste. Le Gonzo prit une tout autre manière avec la pauvre286