11.07.2015 Views

La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

s'avança d'un air hautain vers la petite porte <strong>de</strong> la tour; cette porte était ouverte, etl'on venait seulement <strong>de</strong> placer huit soldats dans la pièce aux colonnes du rez-<strong>de</strong>chaussée.Elle regarda hardiment ces soldats; Clélia <strong>com</strong>ptait adresser la parole ausergent qui <strong>de</strong>vait les <strong>com</strong>man<strong>de</strong>r: cet homme était absent. Clélia s'élança sur le petitescalier <strong>de</strong> fer qui tournait en spirale autour d'une colonne; les soldats la regardèrentd'un air fort ébahi, mais, apparemment à cause <strong>de</strong> son châle <strong>de</strong> <strong>de</strong>ntelle et <strong>de</strong> sonchapeau, n'osèrent rien lui dire. Au premier étage il n'y avait personne; mais enarrivant au second, à l'entrée du corridor qui, si le lecteur s'en souvient, était fermépar trois portes en barreaux <strong>de</strong> fer et conduisait à la chambre <strong>de</strong> Fabrice, elle trouvaun guichetier à elle inconnu, et qui lui dit d'un air effaré:- Il n'a pas encore dîné.- Je le sais bien, dit Clélia avec hauteur. Cet homme n'osa l'arrêter. Vingt pas plusloin, Clélia trouva assis sur la première <strong>de</strong>s six marches en bois qui conduisaient à lachambre <strong>de</strong> Fabrice un autre guichetier fort âgé et fort rouge qui lui dit résolument:- Ma<strong>de</strong>moiselle, avez-vous un ordre du gouverneur?- Est-ce que vous ne me connaissez pas?Clélia, en ce moment, était animée d'une force surnaturelle, elle était hors d'ellemême.Je vais sauver mon mari, se disait-elle.Pendant que le vieux guichetier s'écriait: Mais mon <strong>de</strong>voir ne me permet pas... Cléliamontait rapi<strong>de</strong>ment les six marches; elle se précipita contre la porte: une clef énormeétait dans la serrure; elle eut besoin <strong>de</strong> toutes ses forces pour la faire tourner. À cemoment, le vieux guichetier à <strong>de</strong>mi ivre saisissait le bas <strong>de</strong> sa robe; elle entravivement dans la chambre, referma la porte en déchirant sa robe, et, <strong>com</strong>me leguichetier la poussait pour entrer après elle, elle la ferma avec un verrou qui setrouvait sous sa main. Elle regarda dans la chambre et vit Fabrice assis <strong>de</strong>vant unefort petite table où était son dîner. Elle se précipita sur la table, la renversa, et,saisissant le bras <strong>de</strong> Fabrice, lui dit:- As-tu mangé?Ce tutoiement ravit Fabrice. Dans son trouble, Clélia oubliait pour la première fois laretenue féminine, et laissait voir son amour.Fabrice allait <strong>com</strong>mencer ce fatal repas: il la prit dans ses bras et la couvrit <strong>de</strong> baisers.Ce dîner était empoisonné, pensa-t-il: si je lui dis que je n'y ai pas touché, la religionreprend ses droits et Clélia s'enfuit. Si elle me regar<strong>de</strong> au contraire <strong>com</strong>me unmourant, j'obtiendrai d'elle qu'elle ne me quitte point. Elle désire trouver un moyen <strong>de</strong>rompre son exécrable mariage, le hasard nous le présente: les geôliers vonts'assembler, ils enfonceront la porte, et voici une esclandre telle que peut-être lemarquis Crescenzi en sera effrayé, et le mariage rompu.Pendant l'instant <strong>de</strong> silence occupé par ces réflexions, Fabrice sentit que déjà Cléliacherchait à se dégager <strong>de</strong> ses embrassements.- Je ne me sens point encore <strong>de</strong> douleurs, lui dit-il, mais bientôt elles me renverserontà tes pieds; ai<strong>de</strong> moi à mourir.257

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!