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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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- Je vous engage, ajouta Fabrice, à prendre le masque en fil <strong>de</strong> fer qui est près <strong>de</strong>vous, ensuite avancez vers moi avec une épée ou <strong>de</strong>s pistolets; <strong>com</strong>me on vous l'a dithier soir, vous avez le choix <strong>de</strong>s armes.Le <strong>com</strong>te M*** élevait <strong>de</strong>s difficultés sans nombre, et semblait fort contrarié <strong>de</strong> sebattre; Fabrice, <strong>de</strong> son côté, redoutait l'arrivée <strong>de</strong> la police, quoique l'on fût dans lamontagne à cinq gran<strong>de</strong>s lieues <strong>de</strong> Bologne; il finit par adresser à son rival les injuresles plus atroces; enfin il eut le bonheur <strong>de</strong> mettre en colère le <strong>com</strong>te M***, qui saisitune épée et marcha sur Fabrice; le <strong>com</strong>bat s'engagea assez mollement.Après quelques minutes, il fut interrompu par un grand bruit. Notre héros avait biensenti qu'il se jetait dans une action, qui, pendant toute sa vie, pourrait être pour lui unsujet <strong>de</strong> reproches ou du moins d'imputations calomnieuses. Il avait expédié Ludovicdans la campagne pour lui recruter <strong>de</strong>s témoins. Ludovic donna <strong>de</strong> l'argent à <strong>de</strong>sétrangers qui travaillaient dans un bois voisin; ils accoururent en poussant <strong>de</strong>s cris,pensant qu'il s'agissait <strong>de</strong> tuer un ennemi <strong>de</strong> l'homme qui payait. Arrivés à l'auberge,Ludovic les pria <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> tous leurs yeux, et <strong>de</strong> voir si l'un <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux jeunesgens qui se battaient, agissait en traître et prenait sur l'autre <strong>de</strong>s avantages illicites.Le <strong>com</strong>bat un instant interrompu par les cris <strong>de</strong> mort <strong>de</strong>s paysans tardait àre<strong>com</strong>mencer; Fabrice insulta <strong>de</strong> nouveau la fatuité du <strong>com</strong>te.-Monsieur le <strong>com</strong>te, luicriait-il, quand on est insolent, il faut être brave. Je sens que la condition est durepour vous, vous aimez mieux payer <strong>de</strong>s gens qui sont braves. Le <strong>com</strong>te, <strong>de</strong> nouveaupiqué, se mit à lui crier qu'il avait longtemps fréquenté la salle d'armes du fameuxBattistin à Naples, et qu'il allait châtier son insolence; la colère du <strong>com</strong>te M*** ayantenfin reparu, il se battit avec assez <strong>de</strong> fermeté, ce qui n'empêcha point Fabrice <strong>de</strong> luidonner un fort beau coup d'épée dans la poitrine, qui le retint au lit plusieurs mois.Ludovic, en donnant les premiers soins au blessé, lui dit à l'oreille: Si vous dénoncezce duel à la police, je vous ferai poignar<strong>de</strong>r dans votre lit.Fabrice se sauva dans Florence; <strong>com</strong>me il s'était tenu caché à Bologne, ce fut àFlorence seulement qu'il reçut toutes les lettres <strong>de</strong> reproches <strong>de</strong> la duchesse; elle nepouvait lui pardonner d'être venu à son concert et <strong>de</strong> ne pas avoir cherché à lui parler.Fabrice fut ravi <strong>de</strong>s lettres du <strong>com</strong>te Mosca, elles respiraient une franche amitié et lessentiments les plus nobles. Il <strong>de</strong>vina que le <strong>com</strong>te avait écrit à Bologne, <strong>de</strong> façon àécarter les soupçons qui pouvaient peser sur lui relativement au duel; la police futd'une justice parfaite: elle constata que <strong>de</strong>ux étrangers, dont l'un seulement, leblessé, était connu (le <strong>com</strong>te M***) s'étaient battus à l'épée, <strong>de</strong>vant plus <strong>de</strong> trentepaysans, au milieu <strong>de</strong>squels se trouvait vers la fin du <strong>com</strong>bat le curé du village quiavait fait <strong>de</strong> vains efforts pour séparer les duellistes. Comme le nom <strong>de</strong> Joseph Bossin'avait point été prononcé, moins <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mois après, Fabrice osa revenir à Bologne,plus convaincu que jamais que sa <strong>de</strong>stinée le condamnait à ne jamais connaître lapartie noble et intellectuelle <strong>de</strong> l'amour. C'est ce qu'il se donna le plaisir d'expliquerfort au long à la duchesse; il était bien las <strong>de</strong> sa vie solitaire et désirait passionnémentalors retrouver les charmantes soirées qu'il passait entre le <strong>com</strong>te et sa tante. Iln'avait pas revu <strong>de</strong>puis eux les douceurs <strong>de</strong> la bonne <strong>com</strong>pagnie." Je me suis tant ennuyé à propos <strong>de</strong> l'amour que je voulais me donner et <strong>de</strong> laFausta, écrivait-il à la duchesse, que maintenant son caprice me fût-il encorefavorable, je ne ferais pas vingt lieues pour aller la sommer <strong>de</strong> sa parole; ainsi necrains pas, <strong>com</strong>me tu me le dis, que j'aille jusqu'à Paris où je vois qu'elle débute avecun succès fou. Je ferais toutes les lieues possibles pour passer une soirée avec toi etavec ce <strong>com</strong>te si bon pour ses amis. "137

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