11.07.2015 Views

La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

- Les garçons du moulin où nous allons gagnent douze sous par jour; en un jour et<strong>de</strong>mi ils sont à <strong>Parme</strong>, donc quatre francs pour le voyage; <strong>de</strong>ux francs pour l'usure <strong>de</strong>ssouliers: si la course était faite pour un pauvre homme tel que moi, ce serait sixfrancs; <strong>com</strong>me elle est pour le service d'un seigneur, j'en donnerai douze.Quand on fut arrivé au lieu du repos dans un bois <strong>de</strong> vernes et <strong>de</strong> saules, bien touffuet bien frais, Ludovic alla à plus d'une heure <strong>de</strong> là chercher <strong>de</strong> l'encre et du papier.Grand Dieu, que je suis bien ici! s'écria Fabrice. Fortune! adieu, je ne serai jamaisarchevêque!À son retour, Ludovic le trouva profondément endormi et ne voulut pas l'éveiller. <strong>La</strong>barque n'arriva que vers le coucher du soleil; aussitôt que Ludovic la vit paraître auloin, il appela Fabrice qui écrivit <strong>de</strong>ux lettres.- Votre Excellence a bien plus <strong>de</strong> connaissances que moi, dit Ludovic d'un air peiné, etje crains bien <strong>de</strong> lui déplaire au fond du coeur, quoi qu'elle en dise, si j'ajoute unecertaine chose.- Je ne suis pas aussi nigaud que vous le pensez, répondit Fabrice, et, quoi que vouspuissiez dire, vous serez toujours à mes yeux un serviteur fidèle <strong>de</strong> ma tante, et unhomme qui a fait tout au mon<strong>de</strong> pour me tirer d'un fort vilain pas.Il fallut bien d'autres protestations encore pour déci<strong>de</strong>r Ludovic à parler, et quan<strong>de</strong>nfin il en eut pris la résolution, il <strong>com</strong>mença par une préface qui dura bien cinqminutes. Fabrice s'impatienta, puis il se dit: À qui la faute? à notre vanité que cethomme a fort bien vue du haut <strong>de</strong> son siège. Le dévouement <strong>de</strong> Ludovic le porta enfinà courir le risque <strong>de</strong> parler net.- Combien la marquise Raversi ne donnerait-elle pas au piéton que vous allez expédierà <strong>Parme</strong> pour avoir ces <strong>de</strong>ux lettres! Elles sont <strong>de</strong> votre écriture, et par conséquentfont preuves judiciaires contre vous. Votre Excellence va me prendre pour un curieuxindiscret; en second lieu, elle aura peut-être honte <strong>de</strong> mettre sous les yeux <strong>de</strong>madame la duchesse ma pauvre écriture <strong>de</strong> cocher; mais enfin votre sûreté m'ouvre labouche, quoique vous puissiez me croire un impertinent. Votre Excellence ne pourraitellepas me dicter ces <strong>de</strong>ux lettres? Alors je suis le seul <strong>com</strong>promis, et encore bienpeu, je dirais au besoin que vous m'êtes apparu au milieu d'un champ avec uneécritoire <strong>de</strong> corne dans une main et un pistolet dans l'autre, et que vous m'avezordonné d'écrire.- Donnez-moi la main, mon cher Ludovic, s'écria Fabrice, et pour vous prouver que jene veux point avoir <strong>de</strong> secret pour un ami tel que vous, copiez ces <strong>de</strong>ux lettres tellesqu'elles sont. Ludovic <strong>com</strong>prit toute l'étendue <strong>de</strong> cette marque <strong>de</strong> confiance et y futextrêmement sensible, mais au bout <strong>de</strong> quelques lignes, <strong>com</strong>me il voyait la barques'avancer rapi<strong>de</strong>ment sur le fleuve:- Les lettres seront plus tôt terminées, dit-il à Fabrice, si Votre Excellence veutprendre la peine <strong>de</strong> me les dicter. Les lettres finies, Fabrice écrivit un A et un B à la<strong>de</strong>rnière ligne, et, sur une petite rognure <strong>de</strong> papier qu'ensuite il chiffonna, il mit enfrançais: Croyez A et B. Le piéton <strong>de</strong>vait cacher ce papier froissé dans ses vêtements.<strong>La</strong> barque arrivant à portée <strong>de</strong> la voix, Ludovic appela les bateliers par <strong>de</strong>s noms quin'étaient pas les leurs; ils ne répondirent point et abordèrent cinq cents toises plus115

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!