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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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son volume étant énorme; les noeuds l'empêchaient <strong>de</strong> former masse, et elles'écartait à plus <strong>de</strong> dix-huit pouces du corps. Voilà le grand obstacle, se dit Fabrice.Cette cor<strong>de</strong> arrangée tant bien que mal, Fabrice prit celle avec laquelle il <strong>com</strong>ptait<strong>de</strong>scendre les trente-cinq pieds qui séparaient sa fenêtre <strong>de</strong> l'esplana<strong>de</strong> où était lepalais du gouverneur. Mais <strong>com</strong>me pourtant, quelque enivrées que fussent lessentinelles, il ne pouvait pas <strong>de</strong>scendre exactement sur leurs têtes, il sortit, <strong>com</strong>menous l'avons dit, par la secon<strong>de</strong> fenêtre <strong>de</strong> sa chambre, celle qui avait jour sur le toitd'une sorte <strong>de</strong> vaste corps <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>. Par une bizarrerie <strong>de</strong> mala<strong>de</strong>, dès que le généralFabio Conti avait pu parler, il avait fait monter <strong>de</strong>ux cents soldats dans cet anciencorps <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> abandonné <strong>de</strong>puis un siècle. Il disait qu'après l'avoir empoisonné onvoulait l'assassiner dans son lit, et ces <strong>de</strong>ux cents soldats <strong>de</strong>vaient le gar<strong>de</strong>r. On peutjuger <strong>de</strong> l'effet que cette mesure imprévue produisit sur le coeur <strong>de</strong> Clélia: cette fillepieuse sentait fort bien jusqu'à quel point elle trahissait son père, et un père qui venaitd'être presque empoisonné dans l'intérêt du prisonnier qu'elle aimait. Elle vit presquedans l'arrivée imprévue <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux cents hommes un arrêt <strong>de</strong> la Provi<strong>de</strong>nce qui luidéfendait d'aller plus avant et <strong>de</strong> rendre la liberté à Fabrice.Mais tout le mon<strong>de</strong> dans <strong>Parme</strong> parlait <strong>de</strong> la mort prochaine du prisonnier. On avaitencore traité ce triste sujet à la fête même donnée à l'occasion du mariage <strong>de</strong> lasignora Giulia Crescenzi. Puisque pour une pareille vétille, un coup d'épée maladroitdonné à un <strong>com</strong>édien, un homme <strong>de</strong> la naissance <strong>de</strong> Fabrice n'était pas mis en libertéau bout <strong>de</strong> neuf mois <strong>de</strong> prison et avec la protection du premier ministre, c'est qu'il yavait <strong>de</strong> la politique dans son affaire. Alors, inutile <strong>de</strong> s'occuper davantage <strong>de</strong> lui,avait-on dit; s'il ne convenait pas au pouvoir <strong>de</strong> le faire mourir en place publique, ilmourrait bientôt <strong>de</strong> maladie. Un ouvrier serrurier qui avait été appelé au palais dugénéral Fabio Conti parla <strong>de</strong> Fabrice <strong>com</strong>me d'un prisonnier expédié <strong>de</strong>puis longtempset dont on taisait la mort par politique. Le mot <strong>de</strong> cet homme décida Clélia.Chapitre XXIIDans la journée Fabrice fut attaqué par quelques réflexions sérieuses et désagréables,mais à mesure qu'il entendait sonner les heures qui le rapprochaient du moment <strong>de</strong>l'action, il se sentait allègre et dispos. <strong>La</strong> duchesse lui avait écrit qu'il serait surpris parle grand air, et qu'à peine hors <strong>de</strong> sa prison il se trouverait dans l'impossibilité <strong>de</strong>marcher; dans ce cas il valait mieux pourtant s'exposer à être repris que se précipiterdu haut d'un mur <strong>de</strong> cent quatre-vingts pieds. Si ce malheur m'arrive, disait Fabrice,je me coucherai contre le parapet, je dormirai une heure, puis je re<strong>com</strong>mencerai;puisque je l'ai juré à Clélia, j'aime mieux tomber du haut d'un rempart, si élevé qu'ilsoit, que d'être toujours à faire <strong>de</strong>s réflexions sur le goût du pain que je mange.Quelles horribles douleurs ne doit-on pas éprouver avant la fin, quand on meurtempoisonné! Fabio Conti n'y cherchera pas <strong>de</strong> façons, il me fera donner <strong>de</strong> l'arsenicavec lequel il tue les rats <strong>de</strong> sa cita<strong>de</strong>lle.Vers le minuit un <strong>de</strong> ces brouillards épais et blancs que le Pô jette quelquefois sur sesrives s'étendit d'abord sur la ville, et ensuite gagna l'esplana<strong>de</strong> et les bastions aumilieu <strong>de</strong>squels s'élève la grosse tour <strong>de</strong> la cita<strong>de</strong>lle. Fabrice crut voir que du parapet<strong>de</strong> la plateforme, on n'apercevait plus les petits acacias qui environnaient les jardinsétablis par les soldats au pied du mur <strong>de</strong> cent quatre-vingts pieds. Voilà qui estexcellent, pensa-t-il.Un peu après que minuit et <strong>de</strong>mi eut sonné, le signal <strong>de</strong> la petite lampe parut à lafenêtre <strong>de</strong> la volière. Fabrice était prêt à agir; il fit un signe <strong>de</strong> croix, puis attacha à221

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