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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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d'amour plus touchante un jeune homme pouvait-il donner? Après sept longs mois <strong>de</strong>prison, qui avaient gravement altéré sa santé, il refusait <strong>de</strong> reprendre sa liberté. Unêtre léger, tel que les discours <strong>de</strong>s courtisans avaient dépeint Fabrice aux yeux <strong>de</strong>Clélia, eût sacrifié vingt maîtresses pour sortir un jour plus tôt <strong>de</strong> la cita<strong>de</strong>lle; et quen'eût-il pas fait pour sortir d'une prison où chaque jour le poison pouvait mettre fin àsa vie!Clélia manqua <strong>de</strong> courage, elle <strong>com</strong>mit la faute insigne <strong>de</strong> ne pas chercher un refugedans un couvent, ce qui en même temps lui eût donné un moyen tout naturel <strong>de</strong>rompre avec le marquis Crescenzi. Une fois cette faute <strong>com</strong>mise, <strong>com</strong>ment résister àce jeune homme si aimable, si naturel, si tendre, qui exposait sa vie à <strong>de</strong>s périlsaffreux pour obtenir le simple bonheur <strong>de</strong> l'apercevoir d'une fenêtre à l'autre? Aprèscinq jours <strong>de</strong> <strong>com</strong>bats affreux, entremêlés <strong>de</strong> moments <strong>de</strong> mépris pour elle-même,Clélia se détermina à répondre à la lettre par laquelle Fabrice sollicitait le bonheur <strong>de</strong>lui parler dans la chapelle <strong>de</strong> marbre noir. À la vérité elle refusait, et en termes assezdurs; mais <strong>de</strong> ce moment toute tranquillité fut perdue pour elle, à chaque instant sonimagination lui peignait Fabrice suc<strong>com</strong>bant aux atteintes du poison; elle venait six ouhuit fois par jour à la volière, elle éprouvait le besoin passionné <strong>de</strong> s'assurer par sesyeux que Fabrice vivait.S'il est encore à la forteresse, se disait-elle, s'il est exposé à toutes les horreurs que lafaction Raversi trame peut-être contre lui dans le but <strong>de</strong> chasser le <strong>com</strong>te Mosca, c'estuniquement parce que j'ai eu la lâcheté <strong>de</strong> ne pas m'enfuir au couvent! Quel prétextepour rester ici une fois qu'il eût été certain que je m'en étais éloignée à jamais?Cette fille si timi<strong>de</strong> à la fois et si hautaine en vint à courir la chance d'un refus <strong>de</strong> lapart du geôlier Grillo; bien plus, elle s'exposa à tous les <strong>com</strong>mentaires que cet hommepourrait se permettre sur la singularité <strong>de</strong> sa conduite. Elle <strong>de</strong>scendit à ce <strong>de</strong>gréd'humiliation <strong>de</strong> le faire appeler, et <strong>de</strong> lui dire d'une voix tremblante et qui trahissaittout son secret, que sous peu <strong>de</strong> jours Fabrice allait obtenir sa liberté, que la duchesseSanseverina se livrait dans cet espoir aux démarches les plus actives, que souvent ilétait nécessaire d'avoir à l'instant même la réponse du prisonnier à <strong>de</strong> certainespropositions qui étaient faites, et qu'elle l'engageait, lui Grillo, à permettre à Fabrice<strong>de</strong> pratiquer une ouverture dans l'abat-jour qui masquait sa fenêtre, afin qu'elle pût lui<strong>com</strong>muniquer par signes les avis qu'elle recevait plusieurs fois la journée <strong>de</strong> MmeSanseverina.Grillo sourit et lui donna l'assurance <strong>de</strong> son respect et <strong>de</strong> son obéissance. Clélia lui sutun gré infini <strong>de</strong> ce qu'il n'ajoutait aucune parole; il était évi<strong>de</strong>nt qu'il savait fort bientout ce qui se passait <strong>de</strong>puis plusieurs mois.À peine ce geôlier fut-il hors <strong>de</strong> chez elle que Clélia fit le signal dont elle étaitconvenue pour appeler Fabrice dans les gran<strong>de</strong>s occasions; elle lui avoua tout cequ'elle venait <strong>de</strong> faire. Vous voulez périr par le poison, ajouta-t-elle: j'espère avoir lecourage un <strong>de</strong> ces jours <strong>de</strong> quitter mon père, et <strong>de</strong> m'enfuir dans quelque couventlointain; voilà l'obligation que je vous aurai; alors j'espère que vous ne résisterez plusaux plans qui peuvent vous être proposés pour vous tirer d'ici; tant que vous y êtes,j'ai <strong>de</strong>s moments affreux et déraisonnables; <strong>de</strong> la vie je n'ai contribué au malheur <strong>de</strong>personne, et il me semble que je suis cause que vous mourrez. Une pareille idée quej'aurais au sujet d'un parfait inconnu me mettrait au désespoir, jugez <strong>de</strong> ce quej'éprouve quand je viens à me figurer qu'un ami, dont la déraison me donne <strong>de</strong> gravessujets <strong>de</strong> plaintes, mais qu'enfin je vois tous les jours <strong>de</strong>puis si longtemps, est enproie dans ce moment même aux douleurs <strong>de</strong> la mort. Quelquefois je sens le besoin<strong>de</strong> savoir <strong>de</strong> vous-même que vous vivez.199

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