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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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Le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> cette gran<strong>de</strong> journée, la plus remarquable <strong>de</strong> sa vie, le prince secroyait un petit Napoléon; il avait lu que ce grand homme avait été bien traité parplusieurs <strong>de</strong>s jolies femmes <strong>de</strong> sa cour. Une fois Napoléon par les bonnes fortunes, ilse rappela qu'il l'avait été <strong>de</strong>vant les balles. Son coeur était encore tout transporté <strong>de</strong>la fermeté <strong>de</strong> sa conduite avec la duchesse. <strong>La</strong> conscience d'avoir fait quelque chose<strong>de</strong> difficile en fit un tout autre homme pendant quinze jours; il <strong>de</strong>vint sensible auxraisonnements généreux; il eut quelque caractère.Il débuta ce jour-là par brûler la patente <strong>de</strong> <strong>com</strong>te dressée en faveur <strong>de</strong> Rassi, quiétait sur son bureau <strong>de</strong>puis un mois. Il <strong>de</strong>stitua le général Fabio Conti, et <strong>de</strong>manda aucolonel <strong>La</strong>nge, son successeur, la vérité sur le poison. <strong>La</strong>nge, brave militaire polonais,fit peur aux geôliers, et dit au prince qu'on avait voulu empoisonner le déjeuner <strong>de</strong> M.<strong>de</strong>l Dongo; mais il eût fallu mettre dans la confi<strong>de</strong>nce un trop grand nombre <strong>de</strong>personnes. Les mesures furent mieux prises pour le dîner; et, sans l'arrivée du généralFontana, M. <strong>de</strong>l Dongo était perdu. Le prince fut consterné; mais, <strong>com</strong>me il étaitréellement fort amoureux, ce fut une consolation pour lui <strong>de</strong> pouvoir se dire: Il setrouve que j'ai réellement sauvé la vie à M. <strong>de</strong>l Dongo, et la duchesse n'osera pasmanquer à la parole qu'elle m'a donnée. Il arriva à une autre idée: Mon métier estbien plus difficile que je ne le pensais; tout le mon<strong>de</strong> convient que la duchesse ainfiniment d'esprit, la politique est ici d'accord avec mon coeur. Il serait divin pour moiqu'elle voulût être mon premier ministre.Le soir, le prince était tellement irrité <strong>de</strong>s horreurs qu'il avait découvertes, qu'il nevoulut pas se mêler <strong>de</strong> la <strong>com</strong>édie.- Je serais trop heureux, dit-il à la duchesse, si vous vouliez régner sur mes états<strong>com</strong>me vous régnez sur mon coeur. Pour <strong>com</strong>mencer, je vais vous dire l'emploi <strong>de</strong> majournée. Alors il lui conta tout fort exactement: la brûlure <strong>de</strong> la patente <strong>de</strong> <strong>com</strong>te <strong>de</strong>Rassi, la nomination <strong>de</strong> <strong>La</strong>nge, son rapport sur l'empoisonnement, etc., etc. Je metrouve bien peu d'expérience pour régner. Le <strong>com</strong>te m'humilie par ses plaisanteries, ilplaisante même au conseil, et, dans le mon<strong>de</strong>, il tient <strong>de</strong>s propos dont vous allezcontester la vérité; il dit que je suis un enfant qu'il mène où il veut. Pour être prince,madame, on n'en est pas moins homme, et ces choses-là fâchent. Afin <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>l'invraisemblance aux histoires que peut faire M. Mosca, l'on m'a fait appeler auministère ce dangereux coquin Rassi, et voilà ce général Conti qui le croit encoretellement puissant, qu'il n'ose avouer que c'est lui ou la Raversi qui l'ont engagé àfaire périr votre neveu; j'ai bonne envie <strong>de</strong> renvoyer tout simplement par-<strong>de</strong>vant lestribunaux le général Fabio Conti; les juges verront s'il est coupable <strong>de</strong> tentatived'empoisonnement.- Mais, mon prince, avez-vous <strong>de</strong>s juges?- Comment? dit le prince étonné.- Vous avez <strong>de</strong>s jurisconsultes savants et qui marchent dans la rue d'un air grave; dureste, ils jugeront toujours <strong>com</strong>me il plaira au parti dominant dans votre cour.Pendant que le jeune prince, scandalisé, prononçait <strong>de</strong>s phrases qui montraient sacan<strong>de</strong>ur bien plus que sa sagacité, la duchesse se disait:- Me convient-il bien <strong>de</strong> laisser déshonorer Conti? Non, certainement, car alors lemariage <strong>de</strong> sa fille avec ce plat honnête homme <strong>de</strong> marquis Crescenzi <strong>de</strong>vientimpossible.264

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