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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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L'amour et l'amour-propre <strong>de</strong> la duchesse eurent un moment délicieux; elle regarda le<strong>com</strong>te, et ses yeux se mouillèrent <strong>de</strong> larmes. Un ministre si puissant, environné <strong>de</strong>cette foule <strong>de</strong> courtisans qui l'accablaient d'hommages égaux à ceux qu'ils adressaientau prince lui-même, tout quitter pour elle et avec cette aisance!En rentrant dans les salons, elle était folle <strong>de</strong> joie. Tout le mon<strong>de</strong> se prosternait<strong>de</strong>vant elle.Comme le bonheur change la duchesse, disaient <strong>de</strong> toutes parts les courtisans, c'est àne pas la reconnaître. Enfin cette âme romaine et au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> tout daigne pourtantapprécier la faveur exorbitante dont elle vient d'être l'objet <strong>de</strong> la part du souverain.Vers la fin <strong>de</strong> la soirée, le <strong>com</strong>te vint à elle:-Il faut que je vous dise <strong>de</strong>s nouvelles.Aussitôt les personnes qui se trouvaient auprès <strong>de</strong> la duchesse s'éloignèrent.- Le prince en rentrant au palais, continua le <strong>com</strong>te, s'est fait annoncer chez safemme. Jugez <strong>de</strong> la surprise! Je viens vous rendre <strong>com</strong>pte, lui a-t-il dit, d'une soiréefort aimable, en vérité, que j'ai passée chez la Sanseverina. C'est elle qui m'a prié <strong>de</strong>vous faire le détail <strong>de</strong> la façon dont elle a arrangé ce vieux palais enfumé. Alors leprince, après s'être assis, s'est mis à faire la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> vos salons.Il a passé plus <strong>de</strong> vingt-cinq minutes chez sa femme qui pleurait <strong>de</strong> joie; malgré sonesprit, elle n'a pas pu trouver un mot pour soutenir la conversation sur le ton légerque Son Altesse voulait bien lui donner.Ce prince n'était point un méchant homme, quoi qu'en pussent dire les libérauxd'Italie. À la vérité, il avait fait jeter dans les prisons un assez bon nombre d'entreeux, mais c'était par peur, et il répétait quelquefois <strong>com</strong>me pour se consoler <strong>de</strong>certains souvenirs: Il vaut mieux tuer le diable que si le diable nous tue. Le len<strong>de</strong>main<strong>de</strong> la soirée dont nous venons <strong>de</strong> parler, il était tout joyeux, il avait fait <strong>de</strong>ux bellesactions: aller au jeudi et parler à sa femme. À dîner, il lui adressa la parole; en unmot, ce jeudi <strong>de</strong> Mme Sanseverina amena une révolution d'intérieur dont tout <strong>Parme</strong>retentit; la Raversi fut consternée, et la duchesse eut une double joie: elle avait puêtre utile à son amant et l'avait trouvé plus épris que jamais.Tout cela à cause d'une idée bien impru<strong>de</strong>nte qui m'est venue! disait-elle au <strong>com</strong>te. Jeserais plus libre sans doute à Rome ou à Naples, mais y trouverais-je un jeu aussiattachant? Non, en vérité, mon cher <strong>com</strong>te, et vous faites mon bonheur.Chapitre VIIC'est <strong>de</strong> petits détails <strong>de</strong> cour aussi insignifiants que celui que nous venons <strong>de</strong>raconter qu'il faudrait remplir l'histoire <strong>de</strong>s quatre années qui suivirent. Chaqueprintemps, la marquise venait avec ses filles passer <strong>de</strong>ux mois au palais Sanseverinaou à la terre <strong>de</strong> Sacca, aux bords du Pô, il y avait <strong>de</strong>s moments bien doux, et l'onparlait <strong>de</strong> Fabrice; mais le <strong>com</strong>te ne voulut jamais lui permettre une seule visite à<strong>Parme</strong>. <strong>La</strong> duchesse et le ministre eurent bien à réparer quelques étour<strong>de</strong>ries, mais engénéral Fabrice suivait assez sagement la ligne <strong>de</strong> conduite qu'on lui avait indiquée:un grand seigneur qui étudie la théologie et qui ne <strong>com</strong>pte point absolument sur savertu pour faire son avancement. À Naples, il s'était pris d'un goût très vif pour l'étu<strong>de</strong><strong>de</strong> l'antiquité, il faisait <strong>de</strong>s fouilles; cette passion avait presque remplacé celle <strong>de</strong>schevaux. Il avait vendu ses chevaux anglais pour continuer <strong>de</strong>s fouilles à Misène, où ilavait trouvé un buste <strong>de</strong> Tibère, jeune encore, qui avait pris rang parmi les plus beaux75

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