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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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même chose trois jours <strong>de</strong> suite; par conséquent, pour qu'on puisse être sûr <strong>de</strong> lui, ilfaut vivre continuellement avec lui et ne le laisser parler à personne. Comme cettevérité n'est pas bien difficile à <strong>de</strong>viner, le nouveau parti ultra, dirigé par ces <strong>de</strong>uxbonnes têtes, Rassi et la marquise Raversi, va chercher à donner une maîtresse auprince. Cette maîtresse aura la permission <strong>de</strong> faire sa fortune et <strong>de</strong> distribuer quelquesplaces subalternes, mais elle <strong>de</strong>vra répondre au parti <strong>de</strong> la constante volonté dumaître.Moi, pour être bien établie à la cour <strong>de</strong> Votre Altesse, j'ai besoin que le Rassi soit exiléet conspué; je veux, <strong>de</strong> plus, que Fabrice soit jugé par les juges les plus honnêtes quel'on pourra trouver: si ces messieurs reconnaissent, <strong>com</strong>me je l'espère, qu'il estinnocent, il sera naturel d'accor<strong>de</strong>r à monsieur l'archevêque que Fabrice soit soncoadjuteur avec future succession. Si j'échoue, le <strong>com</strong>te et moi nous nous retirons;alors, je laisse en partant ce conseil à Votre Altesse Sérénissime: elle ne doit jamaispardonner à Rassi, et jamais non plus sortir <strong>de</strong>s états <strong>de</strong> son fils. De près, ce bon filsne lui fera pas <strong>de</strong> mal sérieux.- J'ai suivi vos raisonnements avec toute l'attention requise, répondit la princesse ensouriant; faudra-t-il donc que je me charge du soin <strong>de</strong> donner une maîtresse à monfils?- Non pas, madame, mais faites d'abord que votre salon soit le seul où il s'amuse.<strong>La</strong> conversation fut infinie dans ce sens, les écailles tombaient <strong>de</strong>s yeux <strong>de</strong> l'innocenteet spirituelle princesse.Un courrier <strong>de</strong> la duchesse alla dire à Fabrice qu'il pouvait entrer en ville, mais en secachant. On l'aperçut à peine: il passait sa vie déguisé en paysan dans la baraque enbois d'un marchand <strong>de</strong> marrons, établi vis-à-vis <strong>de</strong> la porte <strong>de</strong> la cita<strong>de</strong>lle, sous lesarbres <strong>de</strong> la promena<strong>de</strong>.Chapitre XXIV<strong>La</strong> duchesse organisa <strong>de</strong>s soirées charmantes au palais, qui n'avait jamais vu tant <strong>de</strong>gaieté; jamais elle ne fut plus aimable que cet hiver, et pourtant elle vécut au milieu<strong>de</strong>s plus grands dangers; mais aussi, pendant cette saison critique, il ne lui arriva pas<strong>de</strong>ux fois <strong>de</strong> songer avec un certain <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> malheur à l'étrange changement <strong>de</strong>Fabrice. Le jeune prince venait <strong>de</strong> fort bonne heure aux soirées aimables <strong>de</strong> sa mère,qui lui disait toujours:- Allez-vous-en donc gouverner; je parie qu'il y a sur votre bureau plus <strong>de</strong> vingtrapports qui atten<strong>de</strong>nt un oui ou un non, et je ne veux pas que l'Europe m'accuse <strong>de</strong>faire <strong>de</strong> vous un roi fainéant pour régner à votre place.Ces avis avaient le désavantage <strong>de</strong> se présenter toujours dans les moments les plusinopportuns, c'est-à-dire quand Son Altesse, ayant vaincu sa timidité, prenait part àquelque chara<strong>de</strong> en action qui l'amusait fort. Deux fois la semaine il y avait <strong>de</strong>s parties<strong>de</strong> campagne où, sous prétexte <strong>de</strong> conquérir au nouveau souverain l'affection <strong>de</strong> sonpeuple, la princesse admettait les plus jolies femmes <strong>de</strong> la bourgeoisie. <strong>La</strong> duchesse,qui était l'âme <strong>de</strong> cette cour joyeuse, espérait que ces belles bourgeoises, qui toutesvoyaient avec une envie mortelle la haute fortune du bourgeois Rassi, raconteraient auprince quelqu'une <strong>de</strong>s friponneries sans nombre <strong>de</strong> ce ministre. Or, entre autres idéesenfantines, le prince prétendait avoir un ministère moral.243

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