La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com
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gran<strong>de</strong> difficulté, c'est d'avoir <strong>de</strong>s cor<strong>de</strong>s; c'est à quoi aussi je pense uniquement<strong>de</strong>puis quinze jours que cette gran<strong>de</strong> idée occupe tous mes instants. "" Je ne réponds pas à cette folie, la seule chose sans esprit que tu aies dite <strong>de</strong> ta vie: "Je ne veux pas me sauver! " L'homme du coup <strong>de</strong> pistolet au valet <strong>de</strong> chambre s'écriaque l'ennui t'avait rendu fou. Je ne te cacherai point que nous redoutons un fortimminent danger qui peut-être fera hâter le jour <strong>de</strong> ta fuite. Pour t'annoncer cedanger, la lampe dira plusieurs fois <strong>de</strong> suite: Le feu a pris au château! "" Tu répondras: "" Mes livres sont-ils brûlés? "Cette lettre contenait encore cinq ou six pages <strong>de</strong> détails; elle était écrite encaractères microscopiques sur du papier très fin.- Tout cela est fort beau et fort bien inventé, se dit Fabrice; je dois unereconnaissance éternelle au <strong>com</strong>te et à la duchesse; ils croiront peut-être que j'ai eupeur, mais je ne me sauverai point. Est-ce que jamais l'on se sauva d'un lieu où l'onest au <strong>com</strong>ble du bonheur, pour aller se jeter dans un exil affreux où tout manquerajusqu'à l'air pour respirer? Que ferais-je au bout d'un mois que je serais à Florence? jeprendrais un déguisement pour venir rô<strong>de</strong>r auprès <strong>de</strong> la porte <strong>de</strong> cette forteresse, ettâcher d'épier un regard!Le len<strong>de</strong>main, Fabrice eut peur; il était à sa fenêtre vers les onze heures, regardant lemagnifique paysage et attendant l'instant heureux où il pourrait voir Clélia, lorsqueGrillo entra hors d'haleine dans sa chambre:- Et vite! vite! monseigneur, jetez-vous sur votre lit, faites semblant d'être mala<strong>de</strong>;voici trois juges qui montent! Ils vont vous interroger: réfléchissez bien avant <strong>de</strong>parler; ils viennent pour vous entortiller.En disant ces paroles Grillo se hâtait <strong>de</strong> fermer la petite trappe <strong>de</strong> l'abat-jour, poussaitFabrice sur son lit, et jetait sur lui <strong>de</strong>ux ou trois manteaux.- Dites que vous souffrez beaucoup et parlez peu, surtout faites répéter les questionspour réfléchir.Les trois juges entrèrent. Trois échappés <strong>de</strong>s galères, se dit Fabrice en voyant cesphysionomies basses, et non pas trois juges; ils avaient <strong>de</strong> longues robes noires. Ilssaluèrent gravement, et occupèrent, sans mot dire, les trois chaises qui étaient dansla chambre.- Monsieur Fabrice <strong>de</strong>l Dongo, dit le plus âgé, nous sommes peinés <strong>de</strong> la triste missionque nous venons remplir auprès <strong>de</strong> vous. Nous sommes ici pour vous annoncer ledécès <strong>de</strong> Son Excellence M. le marquis <strong>de</strong>l Dongo, votre père, second grandmajordome major du royaume lombardo-vénitien, chevalier grand-croix <strong>de</strong>s ordres <strong>de</strong>,etc., etc., etc. Fabrice fondit en larmes; le juge continua.- Madame la marquise <strong>de</strong>l Dongo, votre mère, vous fait part <strong>de</strong> cette nouvelle par unelettre missive; mais <strong>com</strong>me elle a joint au fait <strong>de</strong>s réflexions inconvenantes, par unarrêt d'hier, la cour <strong>de</strong> justice a décidé que sa lettre vous serait <strong>com</strong>muniquéeseulement par extrait, et c'est cet extrait que M. le greffier Bona va vous lire.204