11.07.2015 Views

La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

duchesse, et la saisit avec avidité; mais pour se faire pardonner une lettre dans lestermes où ils en étaient, il remplit celle-ci <strong>de</strong> chiffres et <strong>de</strong> calculs. Nous n'aurons quevingt mille livres <strong>de</strong> rente, lui dit-il, pour vivre tous trois à Naples, Fabrice, vous etmoi. Fabrice et moi nous aurons un cheval <strong>de</strong> selle à nous <strong>de</strong>ux. Le ministre venait àpeine d'envoyer sa lettre, lorsqu'on annonça le fiscal général Rassi; il le reçut avec unehauteur qui frisait l'impertinence.- Comment, monsieur, lui dit-il, vous faites enlever à Bologne un conspirateur que jeprotège, <strong>de</strong> plus vous voulez lui couper le cou, et vous ne me dites rien! Savez-vousau moins le nom <strong>de</strong> mon successeur? Est-ce le général Conti, ou vous-même?Le Rassi fut atterré; il avait trop peu d'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la bonne <strong>com</strong>pagnie pour <strong>de</strong>viner sile <strong>com</strong>te parlait sérieusement: il rougit beaucoup, ânonna quelques mots peuintelligibles; le <strong>com</strong>te le regardait et jouissait <strong>de</strong> son embarras. Tout à coup le Rassi sesecoua et s'écria avec une aisance parfaite et <strong>de</strong> l'air <strong>de</strong> Figaro pris en flagrant délitpar Almaviva:- Ma foi, monsieur le <strong>com</strong>te, je n'irai point par quatre chemins avec Votre Excellence:que me donnerez-vous pour répondre à toutes vos questions <strong>com</strong>me je ferais à celles<strong>de</strong> mon confesseur?- <strong>La</strong> croix <strong>de</strong> Saint-Paul (c'est l'ordre <strong>de</strong> <strong>Parme</strong>), ou <strong>de</strong> l'argent, si vous pouvez mefournir un prétexte pour vous en accor<strong>de</strong>r.- J'aime mieux la croix <strong>de</strong> Saint-Paul, parce qu'elle m'anoblit.- Comment, cher fiscal, vous faites encore quelque cas <strong>de</strong> notre pauvre noblesse?- Si j'étais né noble, répondit le Rassi avec toute l'impu<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> son métier, lesparents <strong>de</strong>s gens que j'ai fait pendre me haïraient, mais ils ne me mépriseraient pas.- Eh bien! je vous sauverai du mépris, dit le <strong>com</strong>te, guérissez-moi <strong>de</strong> mon ignorance.Que <strong>com</strong>ptez-vous faire <strong>de</strong> Fabrice?- Ma foi, le prince est fort embarrassé: il craint que, séduit par les beaux yeuxd'Armi<strong>de</strong>, pardonnez à ce langage un peu vif, ce sont les termes précis du souverain;il craint que, séduit par <strong>de</strong> fort beaux yeux qui l'ont un peu touché lui-même, vous nele plantiez là, et il n'y a que vous pour les affaires <strong>de</strong> Lombardie. Je vous dirai même,ajouta Rassi en baissant la voix, qu'il y a là une fière occasion pour vous, et qui vautbien la croix <strong>de</strong> Saint-Paul que vous me donnez. Le prince vous accor<strong>de</strong>rait, <strong>com</strong>meré<strong>com</strong>pense nationale, une jolie terre valant six cent mille francs qu'il distrairait <strong>de</strong> sondomaine, ou une gratification <strong>de</strong> trois cent mille francs écus, si vous vouliez consentirà ne pas vous mêler du sort <strong>de</strong> Fabrice <strong>de</strong>l Dongo, ou du moins à ne lui en parlerqu'en public.- Je m'attendais à mieux que ça, dit le <strong>com</strong>te; ne pas me mêler <strong>de</strong> Fabrice c'est mebrouiller avec la duchesse.- Eh bien! c'est encore ce que dit le prince: le fait est qu'il est horriblement montécontre Mme la duchesse, entre nous soit dit; et il craint que, pour dédommagement <strong>de</strong>la brouille avec cette dame aimable, maintenant que vous voilà veuf, vous ne lui<strong>de</strong>mandiez la main <strong>de</strong> sa cousine, la vieille princesse Isota, laquelle n'est âgée que <strong>de</strong>cinquante ans.168

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!