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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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Une fois cette résolution bien arrêtée <strong>de</strong> renoncer au ministère si les rigueurs à l'égard<strong>de</strong> Fabrice dépassaient celles d'une simple détention, le <strong>com</strong>te se dit: Si un caprice <strong>de</strong>la vanité <strong>de</strong> cet homme impru<strong>de</strong>mment bravée me coûte le bonheur, du moinsl'honneur me restera... À propos, puisque je me moque <strong>de</strong> mon portefeuille, je puisme permettre cent actions qui, ce matin encore, m'eussent semblé hors du possible.Par exemple, je vais tenter tout ce qui est humainement faisable pour faire éva<strong>de</strong>rFabrice... Grand Dieu! s'écria le <strong>com</strong>te en s'interrompant et ses yeux s'ouvrant àl'excès <strong>com</strong>me à la vue d'un bonheur imprévu, la duchesse ne m'a pas parlé d'évasion,aurait-elle manqué <strong>de</strong> sincérité une fois en sa vie, et la brouille ne serait-elle que ledésir que je trahisse le prince? Ma foi, c'est fait!L'oeil du <strong>com</strong>te avait reprit toute sa finesse satirique. Cet aimable fiscal Rassi est payépar le maître pour toutes les sentences qui nous déshonorent en Europe mais il n'estpas homme à refuser d'être payé par moi pour trahir les secrets du maître. Cetanimal-là a une maîtresse et un confesseur, mais la maîtresse est d'une trop vileespèce pour que je puisse lui parler, le len<strong>de</strong>main elle raconterait l'entrevue à toutesles fruitières du voisinage. Le <strong>com</strong>te, ressuscité par cette lueur d'espoir, était déjà surle chemin <strong>de</strong> la cathédrale; étonné <strong>de</strong> la légèreté <strong>de</strong> sa démarche, il sourit malgré sonchagrin: Ce que c'est, dit-il, que <strong>de</strong> n'être plus ministre! Cette cathédrale, <strong>com</strong>mebeaucoup d'églises en Italie, sert <strong>de</strong> passage d'une rue à l'autre, le <strong>com</strong>te vit <strong>de</strong> loinun <strong>de</strong>s grands vicaires <strong>de</strong> l'archevêque qui traversait la nef.- Puisque je vous rencontre, lui dit-il, vous serez assez bon pour épargner à ma gouttela fatigue mortelle <strong>de</strong> monter jusque chez monseigneur l'archevêque. Je lui auraistoutes les obligations du mon<strong>de</strong> s'il voulait bien <strong>de</strong>scendre jusqu'à la sacristie.L'archevêque fut ravi <strong>de</strong> ce message, il avait mille choses à dire au ministre au sujet<strong>de</strong> Fabrice. Mais le ministre <strong>de</strong>vina que ces choses n'étaient que <strong>de</strong>s phrases et nevoulut rien écouter.- Quel homme est-ce que Dugnani, vicaire <strong>de</strong> Saint-Paul?- Un petit esprit et une gran<strong>de</strong> ambition, répondit l'archevêque, peu <strong>de</strong> scrupules etune extrême pauvreté, car nous en avons <strong>de</strong>s vices!- Tudieu, monseigneur! s'écria le ministre, vous peignez <strong>com</strong>me Tacite; et il prit congé<strong>de</strong> lui en riant. À peine <strong>de</strong> retour au ministère, il fit appeler l'abbé Dugnani.- Vous dirigez la conscience <strong>de</strong> mon excellent ami le fiscal général Rassi, n'aurait-ilrien à me dire? Et, sans autres paroles ou plus <strong>de</strong> cérémonie, il renvoya le Dugnani.Chapitre XVIILe <strong>com</strong>te se regardait <strong>com</strong>me hors du ministère. Voyons un peu, se dit-il, <strong>com</strong>biennous pourrons avoir <strong>de</strong> chevaux après ma disgrâce, car c'est ainsi qu'on appellera maretraite. Le <strong>com</strong>te fit l'état <strong>de</strong> sa fortune: il était entré au ministère avec quatre-vingtmille francs <strong>de</strong> bien; à son grand étonnement, il trouva que, tout <strong>com</strong>pté, son avoiractuel ne s'élevait pas à cinq cent mille francs: c'est vingt mille livres <strong>de</strong> rente tout auplus, se dit-il. Il faut convenir que je suis un grand étourdi! Il n'y a pas un bourgeois à<strong>Parme</strong> qui ne me croie cent cinquante mille livres <strong>de</strong> rente; et le prince, sur ce sujet,est plus bourgeois qu'un autre. Quand ils me verront dans la crotte, ils diront que jesais bien cacher ma fortune. Pardieu, s'écria-t-il, si je suis encore ministre trois mois,nous la verrons doublée cette fortune. Il trouva dans cette idée l'occasion d'écrire à la167

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