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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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nous a rendus témoins du plein aveu <strong>de</strong> son erreur <strong>com</strong>plète, sur quoi je lui ai promisle secret en mon nom et en celui <strong>de</strong> toutes les personnes qui avaient assisté à cetteconférence, sous la condition toutefois qu'il mettrait tout son zèle à rectifier lesfausses impressions qu'avaient pu causer les discours par lui proférés <strong>de</strong>puis quinzejours." Je ne vous répéterai point, mon cher fils, ce que vous <strong>de</strong>vez savoir <strong>de</strong>puislongtemps, c'est-à-dire que <strong>de</strong>s trente-quatre paysans employés à la fouille entreprisepar le <strong>com</strong>te Mosca et que la Raversi prétend soldés par vous pour vous ai<strong>de</strong>r dans uncrime, trente-<strong>de</strong>ux étaient au fond <strong>de</strong> leur fossé, tout occupés <strong>de</strong> leurs travaux,lorsque vous vous saisîtes du couteau <strong>de</strong> chasse et l'employâtes à défendre votre viecontre l'homme qui vous attaquait à l'improviste. Deux d'entre eux, qui étaient horsdu fossé, crièrent aux autres: On assassine Monseigneur! Ce cri seul montre votreinnocence dans tout son éclat. Eh bien! le fiscal général Rassi prétend que ces <strong>de</strong>uxhommes ont disparu, bien plus, on a retrouvé huit <strong>de</strong>s hommes qui étaient au fond dufossé; dans leur premier interrogatoire six ont déclaré avoir entendu le cri onassassine Monseigneur! Je sais, par voies indirectes, que dans leur cinquièmeinterrogatoire, qui a eu lieu hier soir, cinq ont déclaré qu'ils ne se souvenaient pasbien s'ils avaient entendu directement ce cri ou si seulement il leur avait été racontépar quelqu'un <strong>de</strong> leurs camara<strong>de</strong>s. Des ordres sont donnés pour que l'on me fasseconnaître la <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> ces ouvriers terrassiers, et leurs curés leur feront <strong>com</strong>prendrequ'ils se damnent si, pour gagner quelques écus, ils se laissent aller à altérer la vérité."Le bon archevêque entrait dans <strong>de</strong>s détails infinis, <strong>com</strong>me on peut en juger par ceuxque nous venons <strong>de</strong> rapporter. Puis il ajoutait en se servant <strong>de</strong> la langue latine:" Cette affaire n'est rien moins d'une tentative <strong>de</strong> changement <strong>de</strong> ministère. Si vousêtes condamné, ce ne peut être qu'aux galères ou à la mort, auquel casj'interviendrais en déclarant, du haut <strong>de</strong> ma chaire archiépiscopale, que je sais quevous êtes innocent, que vous avez tout simplement défendu votre vie contre unbrigand, et qu'enfin je vous ai défendu <strong>de</strong> revenir à <strong>Parme</strong> tant que vos ennemis ytriompheront; je me propose même <strong>de</strong> stigmatiser, <strong>com</strong>me il le mérite, le fiscalgénéral; la haine contre cet homme est aussi <strong>com</strong>mune que l'estime pour soncaractère est rare. Mais enfin la veille du jour où ce fiscal prononcera cet arrêt siinjuste, la duchesse Sanseverina quittera la ville et peut-être même les états <strong>de</strong><strong>Parme</strong>: dans ce cas l'on ne fait aucun doute que le <strong>com</strong>te ne donne sa démission.Alors, très probablement, le général Fabio Conti arrive au ministère, et la marquiseRaversi triomphe. Le grand mal <strong>de</strong> votre affaire, c'est qu'aucun homme entendu n'estchargé en chef <strong>de</strong>s démarches nécessaires pour mettre au jour votre innocence etdéjouer les tentatives faites pour suborner <strong>de</strong>s témoins. Le <strong>com</strong>te croit remplir ce rôle;mais il est trop grand seigneur pour <strong>de</strong>scendre à <strong>de</strong> certains détails; <strong>de</strong> plus, en saqualité <strong>de</strong> ministre <strong>de</strong> la police, il a dû donner, dans le premier moment, les ordres lesplus sévères contre vous. Enfin, oserai-je le dire? Notre souverain seigneur vous croitcoupable, ou du moins simule cette croyance, et apporte quelque aigreur dans cetteaffaire. " (Les mots correspondant à notre souverain seigneur et à simule cettecroyance étaient en grec, et Fabrice sut un gré infini à l'archevêque d'avoir osé lesécrire. Il coupa avec un canif cette ligne <strong>de</strong> sa lettre, et la détruisit sur-le-champ.)Fabrice s'interrompit vingt fois en lisant cette lettre il était agité <strong>de</strong>s transports <strong>de</strong> laplus vive reconnaissance: il répondit à l'instant par une lettre <strong>de</strong> huit pages. Souvent ilfut obligé <strong>de</strong> relever la tête pour que ses larmes ne tombassent pas sur son papier. Lelen<strong>de</strong>main, au moment <strong>de</strong> cacheter cette lettre, il en trouva le ton trop mondain. Jevais l'écrire en latin, se dit-il, elle en paraîtra plus convenable au digne archevêque.123

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