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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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L'ambition du général Fabio Conti, exaltée jusqu'à la folie par les embarras quivenaient se placer au milieu <strong>de</strong> la carrière du premier ministre Mosca, et quisemblaient annoncer sa chute, l'avait porté à faire <strong>de</strong>s scènes violentes à sa fille; il luirépétait sans cesse, et avec colère, qu'elle cassait le cou à sa fortune si elle ne sedéterminait enfin à faire un choix; à vingt ans passés il était temps <strong>de</strong> prendre unparti; cet état d'isolement cruel, dans lequel son obstination déraisonnable plongeait legénéral, <strong>de</strong>vait cesser à la fin, etc., etc.C'était d'abord pour se soustraire à ces accès d'humeur <strong>de</strong> tous les instants que Clélias'était réfugiée dans la volière; on n'y pouvait arriver que par un petit escalier <strong>de</strong> boisfort in<strong>com</strong>mo<strong>de</strong>, et dont la goutte faisait un obstacle sérieux pour le gouverneur.Depuis quelques semaines, l'âme <strong>de</strong> Clélia était tellement agitée, elle savait si peuelle-même ce qu'elle <strong>de</strong>vait désirer, que, sans donner précisément une parole à sonpère, elle s'était presque laissé engager. Dans un <strong>de</strong> ses accès <strong>de</strong> colère, le générals'était écrié qu'il saurait bien l'envoyer s'ennuyer dans le couvent le plus triste <strong>de</strong><strong>Parme</strong>, et que, là, il la laisserait se morfondre jusqu'à ce qu'elle daignât faire un choix.- Vous savez que notre maison, quoique fort ancienne, ne réunit pas six mille livres <strong>de</strong>rente, tandis que la fortune du marquis Crescenzi s'élève à plus <strong>de</strong> cent mille écus paran. Tout le mon<strong>de</strong> à la cour s'accor<strong>de</strong> à lui reconnaître le caractère le plus doux;jamais il n'a donné <strong>de</strong> sujet <strong>de</strong> plainte à personne; il est fort bel homme, jeune, fortbien vu du prince, et je dis qu'il faut être folle à lier pour repousser ses hommages. Sice refus était le premier, je pourrais peut-être le supporter; mais voici cinq ou sixpartis, et <strong>de</strong>s premiers <strong>de</strong> la cour, que vous refusez, <strong>com</strong>me une petite sotte que vousêtes. Et que <strong>de</strong>viendriez-vous, je vous prie, si j'étais mis à la <strong>de</strong>mi-sol<strong>de</strong>? queltriomphe pour mes ennemis, si l'on me voyait logé dans quelque second étage, moidont il a été si souvent question pour le ministre! Non, morbleu! voici assez <strong>de</strong> tempsque ma bonté me fait jouer le rôle d'un Cassandre. Vous allez me fournir quelqueobjection valable contre ce pauvre marquis Crescenzi, qui a la bonté d'être amoureux<strong>de</strong> vous, <strong>de</strong> vouloir vous épouser sans dot, et <strong>de</strong> vous assigner un douaire <strong>de</strong> trentemille livres <strong>de</strong> rente, avec lequel du moins je pourrai me loger; vous allez me parlerraisonnablement, ou, morbleu! vous l'épousez dans <strong>de</strong>ux mois!...Un seul mot <strong>de</strong> tout ce discours avait frappé Clélia, c'était la menace d'être mise aucouvent, et par conséquent éloignée <strong>de</strong> la cita<strong>de</strong>lle, et au moment encore où la vie <strong>de</strong>Fabrice semblait ne tenir qu'à un fil, car il ne se passait pas <strong>de</strong> mois que le bruit <strong>de</strong> samort prochaine ne courût <strong>de</strong> nouveau à la ville et à la cour. Quelque raisonnementqu'elle se fît, elle ne put se déterminer à courir cette chance: Être séparée <strong>de</strong> Fabrice,et au moment où elle tremblait pour sa vie! c'était à ses yeux le plus grand <strong>de</strong>s maux,c'en était du moins le plus immédiat.Ce n'est pas que, même en n'étant pas éloignée <strong>de</strong> Fabrice, son coeur trouvât laperspective du bonheur; elle le croyait aimé <strong>de</strong> la duchesse, et son âme était déchiréepar une jalousie mortelle. Sans cesse elle songeait aux avantages <strong>de</strong> cette femme sigénéralement admirée. L'extrême réserve qu'elle s'imposait envers Fabrice, le langage<strong>de</strong>s signes dans lequel elle l'avait confiné, <strong>de</strong> peur <strong>de</strong> tomber dans quelqueindiscrétion, tout semblait se réunir pour lui ôter les moyens d'arriver à quelqueéclaircissement sur sa manière d'être avec la duchesse. Ainsi, chaque jour, elle sentaitplus cruellement l'affreux malheur d'avoir une rivale dans le coeur <strong>de</strong> Fabrice, etchaque jour elle osait moins s'exposer au danger <strong>de</strong> lui donner l'occasion <strong>de</strong> dire toutela vérité sur ce qui se passait dans ce coeur. Mais quel charme cependant <strong>de</strong>186

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