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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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accusations, il prit son poignard et se précipita sur elle. D'un grand sang-froid laFausta lui dit:- Eh bien! tout ce dont vous vous plaignez est la pure vérité, mais j'ai essayé <strong>de</strong> vousla cacher afin <strong>de</strong> ne pas jeter votre audace dans <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> vengeance insensés etqui peuvent nous perdre tous les <strong>de</strong>ux; car, sachez-le une bonne fois, suivant mesconjectures, l'homme qui me persécute <strong>de</strong> ses soins est fait pour ne pas trouverd'obstacles à ses volontés, du moins en ce pays. Après avoir rappelé fort adroitementqu'après tout M*** n'avait aucun droit sur elle, la Fausta finit par dire queprobablement elle n'irait plus à l'église <strong>de</strong> Saint-Jean. M*** était éperdumentamoureux, un peu <strong>de</strong> coquetterie avait pu se joindre à la pru<strong>de</strong>nce dans le coeur <strong>de</strong>cette jeune femme, il se sentit désarmer. Il eut l'idée <strong>de</strong> quitter <strong>Parme</strong>; le jeuneprince, si puissant qu'il fût, ne pourrait le suivre, ou s'il le suivait ne serait plus queson égal. Mais l'orgueil représenta <strong>de</strong> nouveau que ce départ aurait toujours l'air d'unefuite, et le <strong>com</strong>te M*** se défendit d'y songer.Il ne se doute pas <strong>de</strong> la présence <strong>de</strong> mon petit Fabrice, se dit la cantatrice ravie, etmaintenant nous pourrons nous moquer <strong>de</strong> lui d'une façon précieuse!Fabrice ne <strong>de</strong>vina point son bonheur, trouvant le len<strong>de</strong>main les fenêtres <strong>de</strong> lacantatrice soigneusement fermées, et ne la voyant nulle part, la plaisanterie<strong>com</strong>mença à lui sembler longue. Il avait <strong>de</strong>s remords. Dans quelle situation est-ce queje mets ce pauvre <strong>com</strong>te Mosca, lui ministre <strong>de</strong> la police! on le croira mon <strong>com</strong>plice, jeserai venu dans ce pays pour casser le cou à sa fortune! Mais si j'abandonne un projetsi longtemps suivi, que dira la duchesse quand je lui conterai mes essais d'amour?Un soir que prêt à quitter la partie il se faisait ainsi la morale en rôdant sous lesgrands arbres qui séparent le palais <strong>de</strong> la Fausta <strong>de</strong> la cita<strong>de</strong>lle, il remarqua qu'il étaitsuivi par un espion <strong>de</strong> fort petite taille; ce fut en vain que pour s'en débarrasser il allapasser par plusieurs rues, toujours cet être microscopique semblait attaché à ses pas.Impatienté, il courut dans une rue solitaire située le long <strong>de</strong> la Parma, et où ses gensétaient en embusca<strong>de</strong>; sur un signe qu'il fit ils sautèrent sur le pauvre petit espion quise précipita à leurs genoux: c'était la Bettina, femme <strong>de</strong> chambre <strong>de</strong> la Fausta; aprèstrois jours d'ennui et <strong>de</strong> réclusion, déguisée en homme pour échapper au poignard du<strong>com</strong>te M***, dont sa maîtresse et elle avaient grand-peur, elle avait entrepris <strong>de</strong> venirdire à Fabrice qu'on l'aimait à la passion et qu'on brûlait <strong>de</strong> le voir; mais on ne pouvaitplus paraître à l'église <strong>de</strong> Saint-Jean. Il était temps, se dit Fabrice, vive l'insistance!<strong>La</strong> petite femme <strong>de</strong> chambre était fort jolie, ce qui enleva Fabrice à ses rêveriesmorales. Elle lui apprit que la promena<strong>de</strong> et toutes les rues où il avait passé ce soir-làétaient soigneusement gardées, sans qu'il y parût, par <strong>de</strong>s espions <strong>de</strong> M***. Ilsavaient loué <strong>de</strong>s chambres au rez-<strong>de</strong>-chaussée ou au premier étage, cachés <strong>de</strong>rrièreles persiennes et gardant un profond silence, ils observaient tout ce qui se passaitdans la rue, en apparence la plus solitaire, et entendaient ce qu'on y disait.- Si ces espions eussent reconnu ma voix, dit la petite Bettina, j'étais poignardée sansrémission à ma rentrée au logis, et peut-être ma pauvre maîtresse avec moi.Cette terreur la rendait charmante aux yeux <strong>de</strong> Fabrice.- Le <strong>com</strong>te M***, continua-t-elle, est furieux, et madame sait qu'il est capable <strong>de</strong>tout... Elle m'a chargée <strong>de</strong> vous dire qu'elle voudrait être à cent lieues d'ici avec vous!132

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