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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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davantage à la douleur dans laquelle la duchesse <strong>de</strong>vait être plongée. Il attendait avecimpatience le len<strong>de</strong>main, mais le menuisier ne reparut plus: apparemment qu'ilpassait pour libéral dans la prison; on eut soin d'en envoyer un autre à minerébarbative, lequel ne répondit jamais que par un grognement <strong>de</strong> mauvais augure àtoutes les choses agréables que l'esprit <strong>de</strong> Fabrice cherchait à lui adresser. Quelquesunes<strong>de</strong>s nombreuses tentatives <strong>de</strong> la duchesse pour lier une correspondance avecFabrice avaient été dépistées par les nombreux agents <strong>de</strong> la marquise Raversi, et, parelle, le général Fabio Conti était journellement averti, effrayé, piqué d'amour-propre.Toutes les huit heures, six soldats <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> se relevaient dans la gran<strong>de</strong> salle aux centcolonnes du rez-<strong>de</strong>-chaussée; <strong>de</strong> plus, le gouverneur établit un geôlier <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> àchacune <strong>de</strong>s trois portes <strong>de</strong> fer successives du corridor, et le pauvre Grillo, le seul quivît le prisonnier, fut condamné à ne sortir <strong>de</strong> la tour Farnèse que tous les huit jours, cedont il se montra fort contrarié. Il fit sentir son humeur à Fabrice qui eut le bon esprit<strong>de</strong> ne répondre que par ces mots: Force nébieu d'Àsti, mon ami, et il lui donna <strong>de</strong>l'argent.- Eh bien! même cela, qui nous console <strong>de</strong> tous les maux, s'écria Grillo indigné, d'unevoix à peine assez élevée pour être entendu du prisonnier, on nous défend <strong>de</strong> lerecevoir et je <strong>de</strong>vrais le refuser, mais je le prends; du reste, argent perdu; je ne puisrien vous dire sur rien. Allez, il faut que vous soyez joliment coupable, toute lacita<strong>de</strong>lle est sens <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>ssous à cause <strong>de</strong> vous; les belles menées <strong>de</strong> madame laduchesse ont déjà fait renvoyer trois d'entre nous.L'abat-jour sera-t-il prêt avant midi? Telle fut la gran<strong>de</strong> question qui fit battre le coeur<strong>de</strong> Fabrice pendant toute cette longue matinée; il <strong>com</strong>ptait tous les quarts d'heure quisonnaient à l'horloge <strong>de</strong> la cita<strong>de</strong>lle. Enfin, <strong>com</strong>me les trois quarts après onze heuressonnaient, l'abat-jour n'était pas encore arrivé; Clélia reparut donnant <strong>de</strong>s soins à sesoiseaux. <strong>La</strong> cruelle nécessité avait fait faire <strong>de</strong> si grands pas à l'audace <strong>de</strong> Fabrice, etle danger <strong>de</strong> ne plus la voir lui semblait tellement au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> tout, qu'il osa, enregardant Clélia, faire avec le doigt le geste <strong>de</strong> scier l'abat-jour; il est vrai qu'aussitôtaprès avoir aperçu ce geste si séditieux en prison, elle salua à <strong>de</strong>mi, et se retira.Hé quoi! se dit Fabrice étonné, serait-elle assez déraisonnable pour voir une familiaritéridicule dans un geste dicté par la plus impérieuse nécessité? Je voulais la prier <strong>de</strong>daigner toujours, en soignant ses oiseaux, regar<strong>de</strong>r quelquefois la fenêtre <strong>de</strong> la prison,même quand elle la trouvera masquée par un énorme volet <strong>de</strong> bois; je voulais luiindiquer que je ferai tout ce qui est humainement possible pour parvenir à la voir.Grand Dieu! est-ce qu'elle ne viendra pas <strong>de</strong>main à cause <strong>de</strong> ce geste indiscret? Cettecrainte, qui troubla le sommeil <strong>de</strong> Fabrice, se vérifia <strong>com</strong>plètement; le len<strong>de</strong>mainClélia n'avait pas paru à trois heures, quand on acheva <strong>de</strong> poser <strong>de</strong>vant les fenêtres<strong>de</strong> Fabrice les <strong>de</strong>ux énormes abat-jour; les diverses pièces en avaient été élevées, àpartir <strong>de</strong> l'esplana<strong>de</strong> <strong>de</strong> la grosse tour, au moyen <strong>de</strong> cor<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> poulies attachéespar-<strong>de</strong>hors aux barreaux <strong>de</strong> fer <strong>de</strong>s fenêtres. Il est vrai que, cachée <strong>de</strong>rrière unepersienne <strong>de</strong> son appartement, Clélia avait suivi avec angoisse tous les mouvements<strong>de</strong>s ouvriers; elle avait fort bien vu la mortelle inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Fabrice, mais n'en avaitpas moins eu le courage <strong>de</strong> tenir la promesse qu'elle s'était faite .Clélia était une petite sectaire <strong>de</strong> libéralisme; dans sa première jeunesse elle avait prisau sérieux tous les propos <strong>de</strong> libéralisme qu'elle entendait dans la société <strong>de</strong> son père,lequel ne songeait qu'à se faire une position; elle était partie <strong>de</strong> là pour prendre enmépris et presque en horreur le caractère flexible du courtisan: <strong>de</strong> là son antipathiepour le mariage. Depuis l'arrivée <strong>de</strong> Fabrice, elle était bourrelée <strong>de</strong> remords: Voilà, sedisait-elle, que mon indigne coeur se met du parti <strong>de</strong>s gens qui veulent trahir monpère! il ose me faire le geste <strong>de</strong> scier une porte!... Mais, se dit-elle aussitôt l'âme182

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