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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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Rienzi, Machiavel, le Dante et les autres grands hommes du moyen âge. L'admirationpour ces âmes d'élite est supposée faire épigramme contre les gens au pouvoir.Tous ces détails magnifiques occupaient exclusivement l'attention <strong>de</strong> la noblesse et<strong>de</strong>s bourgeois <strong>de</strong> <strong>Parme</strong>, et percèrent le coeur <strong>de</strong> notre héros lorsqu'il les lut racontés,avec une admiration naïve, dans une longue lettre <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> vingt pages que Ludovicavait dictée à un douanier <strong>de</strong> Casal-Maggiore.Et moi je suis si pauvre! se disait Fabrice, quatre mille livres <strong>de</strong> rente en tout et pourtout! c'est vraiment une insolence à moi d'oser être amoureux <strong>de</strong> Clélia Conti, pour quise font tous ces miracles.Un seul article <strong>de</strong> la longue lettre <strong>de</strong> Ludovic, mais celui-là écrit <strong>de</strong> sa mauvaiseécriture, annonçait à son maître qu'il avait rencontré le soir, et dans l'état d'un hommequi se cache, le pauvre Grillo son ancien geôlier, qui avait été mis en prison, puisrelâché. Cet homme lui avait <strong>de</strong>mandé un sequin par charité, et Ludovic lui en avaitdonné quatre au nom <strong>de</strong> la duchesse. Les anciens geôliers récemment mis en liberté,au nombre <strong>de</strong> douze, se préparaient à donner une fête à coups <strong>de</strong> couteau (untrattamento di cortellate) aux nouveaux geôliers leurs successeurs, si jamais ilsparvenaient à les rencontrer hors <strong>de</strong> la cita<strong>de</strong>lle. Grillo avait dit que presque tous lesjours il y avait séréna<strong>de</strong> à la forteresse, que ma<strong>de</strong>moiselle Clélia Conti était fort pâle,souvent mala<strong>de</strong>, et autres choses semblables. Ce mot ridicule fit que Ludovic reçut,courrier par courrier, l'ordre <strong>de</strong> revenir à Locarno. Il revint, et les détails qu'il donna<strong>de</strong> vive voix furent encore plus tristes pour Fabrice.On peut juger <strong>de</strong> l'amabilité dont celui-ci était pour la pauvre duchesse; il eût souffertmille morts plutôt que <strong>de</strong> prononcer <strong>de</strong>vant elle le nom <strong>de</strong> Clélia Conti. <strong>La</strong> duchesseabhorrait <strong>Parme</strong>; et, pour Fabrice, tout ce qui rappelait cette ville était à la foissublime et attendrissant<strong>La</strong> duchesse avait moins que jamais oublié sa vengeance; elle était si heureuse avantl'inci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> Giletti! et maintenant, quel était son sort! elle vivait dansl'attente d'un événement affreux dont elle se serait bien gardée <strong>de</strong> dire un mot àFabrice, elle qui autrefois, lors <strong>de</strong> son arrangement avec Ferrante, croyait tant réjouirFabrice en lui apprenant qu'un jour il serait vengé.On peut se faire quelque idée maintenant <strong>de</strong> l'agrément <strong>de</strong>s entretiens <strong>de</strong> Fabrice avecla duchesse: un silence morne régnait presque toujours entre eux. Pour augmenter lesagréments <strong>de</strong> leurs relations, la duchesse avait cédé à la tentation <strong>de</strong> jouer unmauvais tour à ce neveu trop chéri. Le <strong>com</strong>te lui écrivait presque tous les jours;apparemment il envoyait <strong>de</strong>s courriers <strong>com</strong>me du temps <strong>de</strong> leurs amours, car seslettres portaient toujours le timbre <strong>de</strong> quelque petite ville <strong>de</strong> la Suisse. Le pauvrehomme se torturait l'esprit pour ne pas parler trop ouvertement <strong>de</strong> sa tendresse, etpour construire <strong>de</strong>s lettres amusantes, à peine si on les parcourait d'un oeil distrait.Que fait, hélas! la fidélité d'un amant estimé, quand on a le coeur percé par la froi<strong>de</strong>ur<strong>de</strong> celui qu'on lui préfère?En <strong>de</strong>ux mois <strong>de</strong> temps la duchesse ne lui répondit qu'une fois et ce fut pour l'engagerà son<strong>de</strong>r le terrain auprès <strong>de</strong> la princesse, et à voir si, malgré l'insolence du feud'artifice, on recevrait avec plaisir une lettre d'elle duchesse. <strong>La</strong> lettre qu'il <strong>de</strong>vaitprésenter, s'il le jugeait à propos, <strong>de</strong>mandait la place <strong>de</strong> chevalier d'honneur <strong>de</strong> laprincesse, <strong>de</strong>venue vacante <strong>de</strong>puis peu, pour le marquis Crescenzi, et désirait qu'ellelui fût accordée en considération <strong>de</strong> son mariage. <strong>La</strong> lettre <strong>de</strong> la duchesse était unchef-d'oeuvre: c'était le respect le plus tendre et le mieux exprimé; on n'avait pas233

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