odyssée - Notes du mont Royal

CHANT VIII. 127
ouvertement : « Non, je ne te compare pas, étranger, au
mortel habile dans les joutes nombreuses, établies parmi
fes hommes, mais à l'un de ces gens qui passent leur vie
sur les bancs d'un navire, à quelque patron de vaisseau
marchand, qui tient note de la cargaison, et surveille les
vivres et le gain, produit de la rapine; non, tu n'as pas
l'air d'un lutteur. » L'ingénieux Ulysse, lui lançant un
regard irrité, lui répondit : « Étranger, tu n'as pas bien
parlé ; tu m'as l'air d'un insensé. Ainsi les dieux n'accordent
pas aux hommes toutes leurs faveurs ensemble,
et la bonne mine, et l'intelligence, et l'éloquence. Tel est
inférieur en beauté; mais un dieu embellit son visage
par les charmes de la parole : on le regarde avec plaisir;
et lui, parle sans crainte et a¥ec une douce modestie, et
se distingue dans les assemblées; et; quand il va par la
ville, on le considère comme un dieu. Tel autre est comparable
aux dieux pour la beauté; mais la grâce ne couronne
pas ses discours. C'est ainsi que tu es doué d'une
beauté remarquable, et telle qu'un dieu ne trouverait rien
à reprendre; mais tu manques de sens. Tu as allumé la
colère dans mon sein par ton langage inconsidéré. Je ne
suis pas sans eipérience dans les combats, ainsi que tu le
prétends; mais j'ai paru, je pense, parmi les premiers,
tant que j'ai compté sur ma jeunesse et sur la force de
mes bras. Maintenant je suis la proie du malheur et de
la souffrance; car j'ai bien souffert, soit en combattant,
soit en traversant les flots périlleux; néanmoins, malgré
tous les maux que j'ai endurés, je m'essayerai dans vos
jeux : car ton langage - m'a mordu au cœur et a excité
mon courage. » 11 dit; et, sans quitter son manteau, il
s'élança et saisit un disque beaucoup plus grand, plus
épais et plus lourd que celui dont les Phéaciens s'étaient
servis pour lutter entre eux. Après l'avoir fait tourner, il
le lança d'un bras vigoureux ; la pierre siffla; et, en la