odyssée - Notes du mont Royal

90 ODYSSÉE.
eaux, que la colère s'alluma plus encore dans son âme :
il secoua la tête et dit en son cœur : « Eh quoi! les dieux
ont donc bien changé d'avis au sujet d'Ulysse, pendant
que j'étais chez les Éthiopiens. U touche presque au pays
des Phéaciens, où le destin veut qu'il trouve un terme
aux maux qui le poursuivent; maia je prétends le faire
souffrir encore comme il faut. » A ces mots, il assembla
les nuages, et, prenant son trident dans ses maios/ji bouleversa
la mer; puis, ii excita le souffle impétueux de tous
les vents à la fois : les nuées obscurcirent en môme temps
et la terre et la mer; et la nuit se précipita du ciel. Eurus
et Notus, Zéphire, au souffle violent, et Borée, né de
l'éther, se déchaînèrent ensemble, en roulant de grands
flots. Alors les genoux et le cœur manquèrent à Ulysse :
il soupira et dit en son cœur magnanime : c Ah! malheureux
que je suis ! que va-t-il m*arriver enfin? Je crains
bien que la déesse ne m'ait dit toutes choses vraies, quand
elle m'annonçait que, sur mer,-avant d'arriver dans ma
patrie, je comblerais la mesure de mes maux : tout cela
s'accomplit aujourd'hui. De quels, nuages Jupiter enveloppe
le vaste ciel! Comme il a bouleversé la mer et déchaîné
le souffle impétueux de tous les vents! Ma perte
totale, est désormais assurée. Trois et quatre fois heureux
les Grecs, qui ont péri naguère dans la vaste Troie* pour
faire plaisir aux Atrides ! Que je ne suis-je mort, que n'aije
accompli ma destinée, le jour où les Troyens firent
pleuvoir en foule sur moi leurs traits garnis d'airain, autour
du corps inanimé d'Achille! J'aurais obtenu de belles
funérailles, et les Grecs auraient célébré ma gloire, tandis
qu'aujourd'hui ma destinée est dé succomber à une
mort déplorable. » Comme il parlait, une grande vague,
se précipitant d'en haut avec force, fit tournoyer le radeau;
Ulysse tomba loin du radeau;'le gouvernail lui
échappa des-mains; un furieux ouragan, causé par le choc