odyssée - Notes du mont Royal

226 .ODYSSÉE.
ses concitoyens et ses amis le reconnussent, avant que les
prétendants eussent porté la peine de toute leur insolence.
Aussi tous les objets apparaissaient au roi sous une
forme nouvelle, et sentiers qui se perdent dans le lointain,
et ports au sûr mouillage, et rochers escarpés, et
arbres au vert feuillage. Il se leva donc vivement, et contempla
la terre de son pays ; puis, il se mit à soupirer, se
frappa les deux cuisses du plat de ses mains ; et, d'un
ton plaintif, il s'écria : « Malheureux que je suis ! quels
mortels habitent le pays où me voilà encore arrivé? Sont-
- ce des hommes violents, sauvages et injustes ; ou sont-ils
hospitaliers, et leur cœur est-il pénétré de la crainte des
dieux? Où vais-je porter ces richesses si nombreuses?
Moi-même, de quel côté porterai-je mes pas? Plût au ciel
que je fusse resté là-bas, chez les Phéaciens! je serais
allé trouver quelque autre d'entre les rois magnanimes
qui m'aurait bien traité et m'aurait reconduit dans ma
patrie. Maintenant, je ne sais où déposer ces objets; et je
ne veux pourtant pas les laisser ici, de peur qu'ils ne deviennent
la proie d'autrui. Grands dieux! les chefs et les
gouverneurs des Phéaciens étaient donc entièrement dépourvus
de sagesse et de justice, puisqu'ils m'ont amené
dans une terre étrangère, au mépris de leur promesse,
eux qui s'étaient engagés à me conduire dans l'occidentale
Ithaque! Puissent-ils être punis par Jupiter, protecteur
des suppliants, qui a l'œil ouvert sur les autres
hommes aussi, et qui châtie quiconque a fait le mal!
Mais allons, il faut que je compte ces trésors, et que je
voie si les Phéaciens, en partant, ne m'ont rien emporté
sur leur vaisseau creux. -»
6. Après avoir ainsi parlé, il compta les superbes trépieds,
et les bassins, et l'or, et les beaux vêtements tissus.
Rien ne lui manquait; mais il soupirait après sa patrie, en
se traînant le long du rivage de la mer retentissante, et il se