odyssée - Notes du mont Royal

214 ODYSSÉE.
Soleil, qui voit tout et entend tout. » Je dis; et leur cœur
généreux se laissa persuader. Pendant un mois entier ,
souffla sans relâche le Notus; et depuis aucun autre vent
ne se leva que l'Kurus 1 et le Notus. Tant que mes compagnons
eurent du pain et du vin rouge, ils s'abstinrent de
toucher aux génisses: car ils voulaient conserver leur vie.
Mais, quand toutes les provisions du navire furent épuisées,
alors, errant par nécessité, ils se mirent en quête
de poissons, d'oiseaux, de tout ce qui pouvait tomber
dans leurs mains armées d'hameçons recourbés : car la
faim tourmentait leur estomac. Alors donc je m'éloignai
dans l'île afin d'invoquer les dieux, dans l'espoir que
l'un d'eux m'indiquerait la voie du retour. Lorsque je me
fus enfoncé dans l'Ile, loin de mes compagnons, je levai
mes mains dans un endroit placé à l'abri du vent, et je
priai tous les dieux qui habitent l'Olympe; et ceux-ci versèrent
le doux sommeil sur mes paupières. Cependant
Euryloque donna le premier à mes compagnons un funeste
conseil : € Écoutez mes paroles, compagnons, quelques
maux que vous ayez soufferts : tous les genres de
mort sont odieux aux misérables mortels; mais mourir
de faim est le trépas le plus pitoyable. Eh bien! poursuivons
les plus belles génisses du. Soleil, et sacrifions auï
Immortels, qui habitent le vaste ciel Si nous, arrivons à
Ithaque, sur le sol de notre patrie, nous élèverons tout
d'abord au Soleil, fils d'Hypérion, un temple opulent, où
• nous déposerons de nombreuses et belies offrandes. Que
si le dieu, irrité de la mort de ses génisses, aux cornes
élevées, veut faire périr notre vaisseau, et que les autres
dieux y consentent, j'aime mieux perdre la vie une bonne
fois en buvant Fonde amère que de me consumer ainsi
lentement, au milieu d'une ile déserte. » Ainsi parla Euryloque,
et mes autres compagnons applaudirent. Àussi-
* L'Eurus souffle du sud-est.