odyssée - Notes du mont Royal

158 ' ODYSSÉE.
compagnons-et leur ordonnai d'un signe de tète de peser
sur les rames, pour nous soustraire au malheur; eux,
ramèrent, courbés sur les avirons. Mais, lorsqu'en ¥Oguant
sur la mer, nous fûmes arrivés deux fois aussi loin, je
voulus m'adresser au Cyclope; et mes compagnons, rangés
autour de moi, me retenaient à l'envi par de douces
paroles : a Téméraire, pourquoi veux-tu irriter cet
homme cruel, qui tout à l'heure encore, en lançant une
pierre dans les flots, a ramené le vaisseau vers le rivage, si
bien que nous croyions périr sur l'heure. S'il entendait
quelqu'un de nous crier ou parler, il 'nous briserait la
tête et ferait voler notre navire en éclats sous le choc
d'une pierre aiguë : tant son bras a de force. » Ils dirent;
mais ils ne persuadèrent pas mon cœur généreux; et,
dans le feu de la colère, je lui adressai de nouveau la
parole : t Cyclope, si jamais quelqu'un des hommes mortels
te demande la cause de ton horrible cécité, dis-lui
que c'est Ulysse, destructeur de cités, qui t'a crevé l'œil,
Ulysse, [fils de Laerte, qui a sa demeure à Ithaque]. » Je
dis; et Polyphème me répondit ainsi en gémissant :
ce Grands dieux! voilà donc les anciens oracles accomplis
contre moi? Il y avait en ces lieux un devin, homme
grand et fort, Télémus, fils d'Eurymus, qui excellait dans
l'art de la divination, et qui vieillit parmi les Gyclopes en
prédisant l'avenir. 11 m'annonça que tout cela m'arriverait
un jour, et que je serais privé de la vue par les mains
d'Ulysse. Je m'attendais à voir venir ici un mortel grand
et beau, revêtu d'une grande force :'çt aujourd'hui, c'est
un petit homme, sans valeur et sans force, qui m'a crevé
l'œil, après m'avoir dompté par le vin. Mais, allons, viens
ici, Ulysse que je t'offre les présents de l'hospitalité, et
que je presse le glorieux 'Neptune de pourvoir à-ton retour
: car je suis son fils, et il se glorifie d'être mon père.
C'est lui-même qui me guérira,-s'il lui plaît, san» le se-