odyssée - Notes du mont Royal

i% ODYSSÉE.
à ?otre .perte en descendant au palais de Circé, qui peut
nous changer tous en porcs, en loups ou en lions, pour
nous forcer de garder sa vaste demeure? Ainsi a fait le
Cyclope, quand nos compagnons sont entrés dans son
étable, accompagnés de l'audacieux Ulysse : car c'est par
l'imprudence de cet homme qu'ils ont péri. » Il dit : et je
délibérai en moi-même, si, tirant la longue épée qui
pendait le long de mon flanc robuste, je lui couperais la
tête et la ferais rouler à terre, quoiqu'il fût mon trèsproche
parent * ; mais par de douces paroles mes compagnons,
chacuo de son côté, apaisèrent mon courroux :
€ Laissons-le, si tu veux, nourrisson de Jupiter. Qu'il reste
là sur le rivage, pour garder le vaisseau; et conduisnous
au palais sacré de Circé. »
8. Après avoir ainsi, parlé, ils s'éloignèrent du vaisseau
et de la mer. Mais Euryloque ne resta pas près du vaisseau
creux; il nous suivit, effrayé qu'il était de mes terribles
menaces. Cependant Circé, dans le palais, baigna avec
soin mes autres compagnons, les frotta d'huile onctueuse,
et les revêtit de tuniques et de manteaux d'un épais tissu.
Nous les trouvâmes tous à table dans la maison. Après
qu'ils se furent reconnus les uns les autres et se furent
tout raconté, ils pleuraient et se lamentaient; et le palais
retentissait de leurs gémissements. Circé, noble entre les
déesses, s'approcha de moi, et me dit : ce [Noble fiîs de
Laerte, industrieux Ulysse,] faites trêve à ces pleurs abondantes
: moi aussi, je sais tous les maux que vous avez
endurés sur la mer poissonneuse, et combien vous ont
maltraités, sur la terre ferme, des hommes barbares 1 ?
Mais allons, mangez des aliments et buvez du vin, jusqu'à
ce que vous ayez recouvré la force d'âme qui vous animait
quand vous avez quitté pour la première fois votre patrie^
1 Eurylocpie avait épousé Climène, sœur d'Ulysse.— § Allusion aux
aventures d'Ulysse chez les Ciconiens, le Cyclope et les Lesirygoas.