odyssée - Notes du mont Royal

CHAST XIX 321
la prudente Pénélope prit la parole la première : c Étranger,
la question que je t'adresserai tout d'abord est
celle-ci : qui es-tu et quel peuple est le tien? où est te
ville, où tes parents! i L'ingénieux Ulysse, prenant la parole
à son tour, loi répondit : « 0 femme, il n'est point
de mortel, dans toute retendue de la terre, qui puisse te
faire aucun reproche : car ta gloire s'élève jusqu'au vaste
ciel, comme celle d'un roi irréprochable et pieui, qui,
régnant sur. un peuple nombreux et fort, pratique la justice;
grâce à sa bonne administration, la terre noire produit
du blé et de l'orge, et les arbres sont surchargés de
fruits, et la fécondité des brebis ne se ralentit pas, et les
poissons de la mer pullulent, et les peuples sont heureux
sous son sceptre. Questionne-moi donc maintenant
sur tout le reste dans ton palais; mais ne m'interroge ni
sur ma naissance ni sur ma- patrie, si tu ne veux redoubler
les chagrins de mon cœur par ces souvenirs. Or, je
suis bien malheureux, et je ne dois pas rester dans la
maison d'autrui à gémir et à pleurer : car il n'est pas
convenable de s'affliger sans fin ni trêve. Je crains que
l'une de tes femmes, ou toi-même, vous ne vous irritiez
contre moi et disiez que je nage dans les larmes parce
que le vin alourdit mon esprit. » La prudente Pénélope lui
répondit ensuite : s Étranger, les Immortels m'ont ravi
mes avantages, et la beauté et la taille, lejour où les Grecs
se sont embarqués pour llion et où mon époux Ulysse les
a suivis. S'il était de retour et qu'il s'occupât de mes
biens, ma gloire en serait plus grande et plus belle. Maintenant
la tristesse m'accable : tant sont nombreux les
maux qu'une divinité m'a envoyés. [Car tous les princes
qui régnent dans les Iles, à Dulichium, à Samê, à Zacynthe,
couverte de forêts, et tous ceux qui commandent
dans la rocailleuse Ithaque, me recherchent en mariage
bien malgré moi et ruinent ma maison.) C'est pourquoi