odyssée - Notes du mont Royal

592 t ODYSSÉE.
donc : pour gage je te livrerai nia personne; et, si je
t'abuse, tu me feras mourir de la mort la plus cruelle. »
la prudente Pénélope lui répondit ensuite : « Bonne
vieille, il t'est difficile d'approfondir les décrets des dieux,
quelle que soit d'ailleurs ta sagacité, liais allons néanmoins
trou¥er mon fils, afin que je voie les prétendants,
privés de vie, et l'homme qui les a immolés, »
2. A ces mots, elle descendit de l'étage supérieur, le
cœur agité de pensées diverses : elle se demandait si
elle interrogerait à part son cher époux, ou si, l'abordant,
elle lui baiserait la tète et lui prendrait les mains.
Quand elle fut arrivée et qu'elle eut franchi le seuil de
pierre, elle s'assit ensuite en face d'Ulysse, à la lueur du
foyer, près de la muraille opposée. Le héros se tenait
adossé à une haute colonne, les yeux baissés, attendant
que sa noble épouse lui adressât la parole, après l'avoir'
vu de ses yeux. Mais elle demeura longtemps silencieuse,
et son âme fut saisie de stupeur : tantôt elle le regardait
fixement au visage, tantôt elle le méconnaissait sous les
misérables vêtements qui le couvraient. Télémaque prit
la parole et la gourmanda en ces termes : ce Ma mère,
cruelle mère, dont le cœur est insensible, pourquoi te
tenir ainsi à l'écart de mon père, et ne pas t'asseoir près
de lui pour l'interroger et le questionner? Non, jamais
une autre femme ne montrerait un cœur aussi obstiné à
fuir son époux, qui, après avoir souffeivdes maux sans
nombre, arriverait, au bout de vingt ans, dans la terre
de sa patrie. Ton cœur, à toi, est toujours plus dur que
la pierre. » La prudente Pénélope lui répondit : « Mon
enfant, j'ai l'âme saisie de stupeur : je ne puis rien lui
dire, rien lui demander, ni le regarder en face au
visage. S'il est véritablement Ulysse, de retour dans ses
foyers, nous nous reconnaîtrons certes l'un l'autre, et
plus sûrement : car il est des signes secrets que nous