odyssée - Notes du mont Royal

CHANT VIII. 139
ser des larmes; Alcïnoùs, seul, qui était assis auprès de
lui, le remarqua et s'en aperçut; et il l'entendit pousse!
de profonds soupirs. Aussitôt il adressa la parole aux
Phéaciens, amis de la navigation : ce Écoutez, chefs et
gouverneurs des Phéaciens : que Démodocus fasse taire
sa lyre harmonieuse : car ces chants ne sont pas également
agréables à tous : depuis que nous sommes à table
et que le divin aède a commencé, l'étranger n'a cessé de
gémir tristement, et la douleur s'est emparée de son
âme. Que Démodocus cesse donc, afin que nous nous divertissions
tous pareillement, les hôtes et l'étranger :
c'est là ce qu'il y a de mieux à faire. Car c'est pour ce
vénérable étranger qu'ont été préparés et le départ et
les riches présents que nous lui donnons par amitié.
L'étranger, le suppliant, sont regardés comme un frère
par l'homme qui n'est pas entièrement dépourvu de sagesse.
Ainsi donc, n'élude point mes questions par des
artifices, il vaut mieux parler franchement. Dis-moi de
quel nom t'appelaient là-bas ta mère et ton père, et tes
concitoyens, et tes voisins : car tout homme parmi les
mortels, qu'il soit vaillant ou lâche, a nécessairement un
nom, du moment qu'il est venu au monde : les parents
en donnent à tous les enfants qui leur sont nés. Dis-moi
quel est ton pays, ion peuple, ta ville, pour que nos vaisseaux
intelligents t'y conduisent. Car les vaisseaux des
Phéaciens n'ont ni pilote, ni gouvernail, comme les autres
ûavires; mais ils savent les pensées et les désirs des
hommes, et connaissent les villes et les champs fertiles
de tous les mortels; et ils traversent rapidement la mer
immense, enveloppés de brouillard et de vapeurs; et il
n'est pais à craindre qu'ils soient endommagés ou périssent.
Mais voici ce que j'ai entendu dire jadis à mon père
Nausilhoûs : il disait que Neptune était irrité contre
nous, parce que nous reconduisions impunément tous les