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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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Vice-président du GPRA, Krim Belkacem, qui dirigeait la délégation

du FLN à Évian, sera bientôt écarté du pouvoir par le tandem Ben Bella-

Boumédiène. Le 18 octobre 1970, il sera retrouvé étranglé avec sa

cravate dans une chambre d’hôtel de Francfort.

Malgré les assurances, la seule échappatoire consentie aux pieds-noirs,

s’ils veulent éviter le cercueil, est : prendre l’avion ou le bateau pour la

métropole. Là, ils dérangent, écornent « la grandeur de la France ».

Comment se dépêtrer de ces familles meurtries, spoliées, qui ont tout

perdu ? Le gouvernement va jusqu’à envisager de lointaines solutions,

comme les envoyer au Brésil, en Argentine, en Nouvelle-Calédonie ou en

Guyane. À l’époque secrétaire d’État à l’Information, Alain Peyrefitte,

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révélera, dans C’était de Gaulle , les calembredaines qui émaillent, en

1962, les conseils des ministres. Louis Joxe, ministre d’État chargé des

Affaires algériennes, le 24 mai : « Ce sont des vacances anticipées à

l’arrivée des grandes chaleurs. » Robert Boulin, secrétaire d’État aux

Rapatriés, le 30 mai : « À peu près tous ont acheté un billet aller et retour.

Simplement, la plupart sont incertains sur la date de leur retour en

Algérie. » Fin juin : « Ce sont bien des vacanciers. Jusqu’à ce que la

preuve du contraire soit apportée. » Louis Joxe, le 8 juillet : « Les piedsnoirs

vont inoculer le fascisme en France. » Le 18 juillet : « Dans

beaucoup de cas, il n’est pas souhaitable qu’ils s’installent en France, où

ils seraient une mauvaise graine. » Roger Frey, ministre de l’Intérieur, le

22 août : « J’ai les moyens d’intervenir s’il y a des manifestations à

Marseille. »

Sur le port de la capitale de la bouillabaisse, que protège la

bienveillante Bonne Mère, des lettres géantes accueillent les

« rapatriés » : « Pieds-noirs, retournez chez vous », « Les pieds-noirs à la

mer ». Des dockers cégétistes n’hésitent pas à fouiller les cadres

contenant le peu de biens que des familles ont réussi à conserver de leur

passé. Ils se servent ou les laissent délibérément tomber à l’eau.

Chauffeurs de taxis, hôteliers et agents immobiliers font flamber tarifs et

loyers.

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