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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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stock le modèle de bleu qu’elle lui avait commandé. Devant mes

protestations et celles de ma mère, les militaires ont exigé du pauvre

Arabe qu’il leur montre, preuve de son innocence, une couverture qu’il

nous avait vendue auparavant. Ma mère les a engueulés : “Allez chercher

mon mari, plutôt que d’embêter un brave homme.” Finalement, ils n’ont

pas persévéré. »

À propos de la légende du pied-noir qui refuse un verre d’eau à un

appelé métropolitain assoiffé, Josiane se souvient d’une anecdote : « Mon

frère jouait dehors. Deux ou trois bidasses, qui passaient devant la

maison, lui ont demandé du vin. Ma mère est sortie et leur a donné une

bouteille. L’ayant bue, ils sont revenus. Ma mère leur en a apporté une

autre. À la fin, ils étaient saouls, des cochons qui embêtaient tout le

quartier, provoquant un esclandre. Dans les jours qui ont suivi, l’officier

qui les commandait les a sommés de nous présenter leurs excuses. »

Sans le père, la famille Laplume doit faire face aux difficultés qui

s’accumulent. Le fils aîné, Louis, est absent. Il effectue son service

militaire dans la région d’Ouargla, aux portes du Sahara. Lourde

responsabilité pour la mère qui, secondée par sa fille, Josiane, a la charge

de deux jeunes enfants. « On nous a dit que mon père était prisonnier en

Tunisie. Or, la Compagnie des phosphates de Constantine n’avait pas

prévu ce genre de problème. D’ailleurs, l’usine, pas plus que la mine,

n’était gardée. Mon père était le premier homme kidnappé dans le secteur

du Kouif. Ma mère est restée trois mois sans salaire. Un frère de mon

père, Ernest, garde forestier comme son père, nous a accueillis chez lui,

en pleine campagne, près de Youks-les-Bains, à une quarantaine de

kilomètres du Kouif. »

Centre de peuplement fondé avec quarante-neuf colons près d’une

source thermale jadis prisée des Romains, Youks-les-Bains avait été

rattaché, en 1890, à la commune mixte de Morsott. Là encore, des

vestiges antiques rappelaient le glorieux passé du lieu avant les invasions

arabes.

Déclarée présumée veuve, la mère de Josiane touche une demi-pension

et, en 1959, elle se rapproche de sa mère à Bône. « Ma grand-mère, qui

avait quitté Batna, y louait un étroit deux pièces, 69 rue Bélisaire, cité

Auzas. Un rez-de-chaussée donnant sur une cour envahie de

bougainvilliers. Elle nous a hébergés. » Josiane trouve un emploi de

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