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stock le modèle de bleu qu’elle lui avait commandé. Devant mes
protestations et celles de ma mère, les militaires ont exigé du pauvre
Arabe qu’il leur montre, preuve de son innocence, une couverture qu’il
nous avait vendue auparavant. Ma mère les a engueulés : “Allez chercher
mon mari, plutôt que d’embêter un brave homme.” Finalement, ils n’ont
pas persévéré. »
À propos de la légende du pied-noir qui refuse un verre d’eau à un
appelé métropolitain assoiffé, Josiane se souvient d’une anecdote : « Mon
frère jouait dehors. Deux ou trois bidasses, qui passaient devant la
maison, lui ont demandé du vin. Ma mère est sortie et leur a donné une
bouteille. L’ayant bue, ils sont revenus. Ma mère leur en a apporté une
autre. À la fin, ils étaient saouls, des cochons qui embêtaient tout le
quartier, provoquant un esclandre. Dans les jours qui ont suivi, l’officier
qui les commandait les a sommés de nous présenter leurs excuses. »
Sans le père, la famille Laplume doit faire face aux difficultés qui
s’accumulent. Le fils aîné, Louis, est absent. Il effectue son service
militaire dans la région d’Ouargla, aux portes du Sahara. Lourde
responsabilité pour la mère qui, secondée par sa fille, Josiane, a la charge
de deux jeunes enfants. « On nous a dit que mon père était prisonnier en
Tunisie. Or, la Compagnie des phosphates de Constantine n’avait pas
prévu ce genre de problème. D’ailleurs, l’usine, pas plus que la mine,
n’était gardée. Mon père était le premier homme kidnappé dans le secteur
du Kouif. Ma mère est restée trois mois sans salaire. Un frère de mon
père, Ernest, garde forestier comme son père, nous a accueillis chez lui,
en pleine campagne, près de Youks-les-Bains, à une quarantaine de
kilomètres du Kouif. »
Centre de peuplement fondé avec quarante-neuf colons près d’une
source thermale jadis prisée des Romains, Youks-les-Bains avait été
rattaché, en 1890, à la commune mixte de Morsott. Là encore, des
vestiges antiques rappelaient le glorieux passé du lieu avant les invasions
arabes.
Déclarée présumée veuve, la mère de Josiane touche une demi-pension
et, en 1959, elle se rapproche de sa mère à Bône. « Ma grand-mère, qui
avait quitté Batna, y louait un étroit deux pièces, 69 rue Bélisaire, cité
Auzas. Un rez-de-chaussée donnant sur une cour envahie de
bougainvilliers. Elle nous a hébergés. » Josiane trouve un emploi de