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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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vendeuse aux Galeries de France, cours Bertagna, puis dans une boutique

de chaussures.

Elle se lie d’amitié avec une fille de voisins arabes, un peu plus jeune

qu’elle, Doulette. Un soir d’été, par les portes et les fenêtres ouvertes afin

de récupérer un peu de fraîcheur, entrent des cris et des pleurs dans les

appartements. Tous les locataires se précipitent. Doulette vient de

recevoir un coup de marteau de sa mère en furie. « Amoureuse d’un

garçon de son âge, elle m’avait confié en larmes qu’elle refusait

d’épouser l’homme avec qui ses parents avaient négocié un mariage. Il

était très laid et beaucoup plus âgé qu’elle. Finalement, elle a cédé. Sa

petite sœur, Bela, déterminée, bougonnait : “Moi, on ne me fera pas ça.”

A-t-elle pu résister à la coutume ? J’en doute. »

L’appartement de la rue Bélisaire s’avère trop étroit pour cinq

personnes. Les Laplume dégotent un trois pièces, 2, place Maria-Fabre,

au deuxième étage. « Il s’agissait d’un meublé, mais nous n’avions pas le

choix. Nous avions tout laissé au Kouif et nos moyens ne nous auraient

pas permis de racheter du mobilier et de la vaisselle. »

Le quartier se vide de ses Européens. « Dans l’immeuble, nous étions

les seuls pieds-noirs. Nous avions très peur d’être égorgés. Le soir, on

poussait les meubles contre la porte d’entrée. En fait, nous étions

constamment sur le qui-vive. Quand, le matin, je partais au travail,

quand, le soir, je rentrais, je marchais la peur au ventre. Je me retournais

toutes les cinq minutes. Au cinéma, après la séance, j’attendais qu’il n’y

ait pratiquement plus personne sur le trottoir, devant la salle, pour me

lever de mon siège. Afin d’augmenter la quantité de leurs victimes, les

terroristes ciblaient de préférence les attroupements. Un jour, en 1960, où

j’étais allée danser, contre l’avis de maman, une grenade a rebondi sur la

piste. Elle n’a pas explosé. J’ai eu de la veine. »

31 juillet 1962. Ayant perdu tout espoir que, conformément aux

accords d’Évian, le FLN libérerait ses prisonniers, Josiane, sa mère, sa

sœur et son petit frère n’ont plus d’avenir en Algérie. Ils ont obtenu

quatre places sur un bateau qui lève l’ancre pour la métropole. « La mort

dans l’âme, nous abdiquions. Nos démarches n’avaient débouché que sur

des ronciers d’incompréhension. Les autorités françaises ne nous avaient

octroyé que de vagues réponses ou des renseignements sans

consistance. »

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