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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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d’Algérie, datait de 300 avant J.-C. Le père de Lisiane Theller était

dessinateur industriel à la chefferie du génie de la ville.

Le jeune couple s’était installé au Kouif où, le 15 octobre 1940,

Lisiane a accouché d’une fille, Josiane, qui se souvient : « Nous habitions

une des maisons de mineurs, semblables à celles des corons du Nord en

métropole, impeccablement alignées le long d’une rue. » Josiane avait un

frère de quatre ans son aîné, Louis. Une sœur, Annie, naîtra en 1947 et un

petit frère, Gilbert, en 1954.

Le phosphate régit toute l’activité du Kouif, garantissant, par son

omniprésence économique, la sérénité entre les communautés. « À

1 000 mètres d’altitude, le climat était rude. Très froid en hiver, très

chaud en été. Mais nous vivions en harmonie. Européens, Arabes, tout le

monde se connaissait. Les hommes travaillaient à la mine ou à l’usine de

traitement. Je n’ai de cette époque que de bons souvenirs. Les enfants,

nous allions à l’école ensemble. Cependant, après le certificat d’études

primaires, nos copines arabes ne sortaient plus jouer avec nous. Leurs

parents les cloîtraient dans les maisons en attendant de les marier. On

avait mal au cœur de ne plus les voir. C’était ainsi. On respectait leurs

traditions. »

Les attentats de la Toussaint Rouge, en 1954, provoquent un début de

rupture. Josiane a quatorze ans : « Les rapports entre pieds-noirs et

Arabes ont commencé à se détériorer. La méfiance. »

L’année suivante, les émeutes sanglantes du Constantinois les

éloignent davantage les uns des autres. « Le soupçon a infecté le village.

Nous ignorions si tel ou tel habitant que nous côtoyions pouvait ou non

s’avérer hostile. Les enfants d’Européens ne voulaient plus aller à

l’école. Et la situation n’a fait qu’empirer. Pratiquement tous les soirs, on

subissait des attaques. Depuis la Tunisie, les types du FLN nous

envoyaient des obus de mortier. On se glissait sous les lits ou on se

blottissait dans un placard et on attendait la fin des tirs. Certes, des

militaires français stationnaient dans le village. Mais ils avaient

interdiction de riposter. Risque d’incident diplomatique avec le

gouvernement tunisien qui aurait immédiatement dénoncé une violation

de son territoire. On craignait également que des fellaghas ne s’infiltrent

dans le village, entrent chez nous et nous égorgent. On guettait le

moindre bruit. À la tombée de la nuit, on se barricadait dans la maison. »

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