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d’Algérie, datait de 300 avant J.-C. Le père de Lisiane Theller était
dessinateur industriel à la chefferie du génie de la ville.
Le jeune couple s’était installé au Kouif où, le 15 octobre 1940,
Lisiane a accouché d’une fille, Josiane, qui se souvient : « Nous habitions
une des maisons de mineurs, semblables à celles des corons du Nord en
métropole, impeccablement alignées le long d’une rue. » Josiane avait un
frère de quatre ans son aîné, Louis. Une sœur, Annie, naîtra en 1947 et un
petit frère, Gilbert, en 1954.
Le phosphate régit toute l’activité du Kouif, garantissant, par son
omniprésence économique, la sérénité entre les communautés. « À
1 000 mètres d’altitude, le climat était rude. Très froid en hiver, très
chaud en été. Mais nous vivions en harmonie. Européens, Arabes, tout le
monde se connaissait. Les hommes travaillaient à la mine ou à l’usine de
traitement. Je n’ai de cette époque que de bons souvenirs. Les enfants,
nous allions à l’école ensemble. Cependant, après le certificat d’études
primaires, nos copines arabes ne sortaient plus jouer avec nous. Leurs
parents les cloîtraient dans les maisons en attendant de les marier. On
avait mal au cœur de ne plus les voir. C’était ainsi. On respectait leurs
traditions. »
Les attentats de la Toussaint Rouge, en 1954, provoquent un début de
rupture. Josiane a quatorze ans : « Les rapports entre pieds-noirs et
Arabes ont commencé à se détériorer. La méfiance. »
L’année suivante, les émeutes sanglantes du Constantinois les
éloignent davantage les uns des autres. « Le soupçon a infecté le village.
Nous ignorions si tel ou tel habitant que nous côtoyions pouvait ou non
s’avérer hostile. Les enfants d’Européens ne voulaient plus aller à
l’école. Et la situation n’a fait qu’empirer. Pratiquement tous les soirs, on
subissait des attaques. Depuis la Tunisie, les types du FLN nous
envoyaient des obus de mortier. On se glissait sous les lits ou on se
blottissait dans un placard et on attendait la fin des tirs. Certes, des
militaires français stationnaient dans le village. Mais ils avaient
interdiction de riposter. Risque d’incident diplomatique avec le
gouvernement tunisien qui aurait immédiatement dénoncé une violation
de son territoire. On craignait également que des fellaghas ne s’infiltrent
dans le village, entrent chez nous et nous égorgent. On guettait le
moindre bruit. À la tombée de la nuit, on se barricadait dans la maison. »