21.07.2022 Views

Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

ses cousins, consul en Afrique noire, ainsi qu’à un cousin de mon père,

militaire, d’intervenir. Ils lui ont rétorqué qu’ils ne pouvaient pas.

L’Algérie était quelque chose de sale. Il ne fallait pas y toucher. De

Gaulle l’avait recouverte d’une chape de plomb. Franco, qui n’était pas

un démocrate, lui a proposé d’ordonner à la marine espagnole de secourir

les pieds-noirs qui, sans eau, sans nourriture, ni soins, s’entassaient sur le

port d’Oran écrasé de soleil. Notre président de la République française a

refusé, préférant abandonner ces Français plutôt que d’écorner son

prestige. Son absence d’humanité est inqualifiable. Les politiques se sont

très mal comportés. Ils nous ont sacrifiés, nous leurs compatriotes

d’Algérie. »

Geneviève, sa mère et ses trois sœurs atterrissent à Orly, durant l’été

1963. Une tante paternelle les attend à l’aéroport et les conduit, en

voiture, dans le Nord. Elles emménagent à Marly, à 3 kilomètres de

Valenciennes, où, dans le cadre du redéploiement de ses personnels civils

stationnés en Algérie, l’armée avait projeté de rapatrier Cyr Jacquemain à

l’ERM de la caserne Vincent. « Maman tenait à ce que papa nous

retrouve sans difficulté quand il reviendrait. Issue heureuse dont elle se

persuadait au-delà du raisonnable. D’ailleurs, elle avait gardé un de ses

costumes, sa trousse de toilette et tout ce dont il aurait besoin. Elle ne

s’en est débarrassée que tardivement. Elle s’était même mise à consulter

des charlatans… Certains versaient du plomb fondu dans de l’eau et

interprétaient la forme que prenait le métal en se solidifiant, d’autres,

simulant une concentration extrême, perçaient les messages secrets du

marc de café ou bien lisaient dans le tarot ou encore scrutaient

attentivement des cartes routières sous les mouvements d’un pendule.

Elle était tellement désespérée qu’elle était prête à croire n’importe qui, à

faire n’importe quoi. Quelqu’un lui aurait assuré qu’un pèlerinage à pied

à La Mecque lui ramènerait son mari, elle n’aurait pas hésité. Des escrocs

l’ont dupée outrageusement. Les plus cyniques n’ont pas reculé devant

l’outrance, alléguant que “le vieux”, c’est-à-dire l’oncle de ma mère,

avait payé pour le jeune. »

L’accueil à Marly, municipalité communiste, ne se caractérise pas par

des débordements de générosité. Geneviève a quatre ans. Un jour, de

retour de l’école, elle s’approche, soucieuse, de sa mère : « Maman, dismoi.

Je suis quoi ? Je suis française ? Mon pays, c’est quoi ? » Sa mère :

« Tu es française et ton pays, c’est la France. – Alors, pourquoi, dans la

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!