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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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siffle et abat un homme qui était au coin, un peu plus loin que moi.

Il avait l’air de regarder qui venait… ou voulait-il me parler ou se

réfugier dans le couloir, avec moi ? Le fait qu’il a été tué et que si je

ne m’étais pas collé contre la porte… Aussitôt dans le couloir et

après avoir fermé, sans bruit, j’ai grimpé quatre à quatre les

escaliers m’amenant au premier étage. De mon bureau, à travers les

lamelles des volets fermés, j’ai revu cette voiture, qui avait fait le

tour du pâté de maisons. C’était une petite camionnette sur laquelle

quatre musulmans avaient pris place, chacun la mitraillette à la

main, tiraient sur tout ce qui bougeait, parfois dans les vitrines ou

les fenêtres ouvertes… et ils rigolaient… Je les vois entrer dans le

parking, où j’aurais dû garer la voiture, ce que je n’avais pas fait

exceptionnellement. Peut-être me cherchent-ils ? Un autre Européen

arrive à son tour, à moto pour se garer. Il me semble que les

musulmans lui demandent ses papiers… mais au moment où il met

sa main dans la poche… l’un d’eux lui tire, à bout portant, une balle

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dans la tête … »

Autre témoignage, celui de Gérard Rosenzweig, que publiera Causeur,

le 4 juillet 2016, sous le titre « Requiem pour un massacre oublié » :

« Place d’Armes, les manifestants, après de multiples

égorgements, font maintenant des prisonniers. Tout ce qui montre

allure européenne, vêtements, visages, langage, tout est capturé,

dépouillé, roué de coups, blessé. Malheur au Blanc et à tout ce qui

s’en approche. Là aussi, des dizaines et des dizaines d’hommes, de

femmes ou d’enfants touchent à leur dernier jour. La ville n’est plus

qu’une clameur multiple de cris de mourants, de pogroms et de

haine brutale. La contagion est instantanée. En moins d’une heure le

massacre pousse ses métastases partout et s’organise selon

d’épouvantables modes. Ici, on tue à la chaîne. Là, c’est à l’unité, à

la famille. En quelques lieux, le sang a envahi les caniveaux.

Ailleurs, on assassine, on démembre, on violente, on blesse pour

faire plus longtemps souffrir ; le parent meurt devant le parent

provisoirement épargné. »

L’historien Jean Monneret parlera de « mouvement de folie et de

meurtre collectif » :

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