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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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beaucoup de métropolitains, devant lesquels nous n’osions pas dire d’où

nous venions, de crainte de nous attirer des réflexions fielleuses, il

comprenait la souffrance des pieds-noirs. »

Josiane Laplume et Jean-Paul Theuriet se marient en 1965. Ils se fixent

à Dijon, où, dans sa recherche d’un emploi, Josiane se heurte à

l’animosité envers les pieds-noirs. Elle se sent obligée de camoufler son

accent « comme une tare ». Le patron d’un grand magasin, où elle a

déposé sa candidature à un emploi de vendeuse, se distingue par son

degré de sadisme. Il lui demande de lui fournir des attestations de ses

précédents employeurs à Bône. Évidemment, elle ne les a pas. Narquois,

il lui intime de retourner les chercher. En décembre 1966, Josiane et

Jean-Paul reprennent une charcuterie, rue Monge à Dijon, qu’ils tiendront

pendant quarante ans. Ils auront deux filles, Anne-Lyse et Magali, et

deux petites-filles, Louise et Gabrielle.

Le 12 janvier 1968, le tribunal de grande instance de la Seine déclarera

le père de Josiane décédé. Et le 20 décembre, le ministre français des

Affaires étrangères indiquera dans un courrier au consul de France à

Annaba, anciennement Bône :

« J’ai l’honneur de vous faire savoir qu’il est inutile de

poursuivre vos recherches en ce qui concerne les circonstances de la

disparition de M. Joseph Laplume au Kouif (Bône) en 1958. »

Josiane ne parvient pas à pardonner à la France son indifférence : « Le

ministère des Affaires étrangères, l’ambassade, la Croix-Rouge ne se sont

pas préoccupés de nous. Maman est morte en 2009, sans savoir quel avait

été le sort de son mari. Elle est inhumée dans le cimetière de

Chabreloche, où Louis l’avait précédée sept ans auparavant. Par hasard,

j’ai appris, en 2007, que mon père avait le droit d’être reconnu Mort pour

la France. Exemple du désintérêt des pouvoirs publics à notre égard :

personne ne m’en avait informée. »

Et Josiane n’a toujours pas de réponse à cette question : « Qu’ont-ils

fait de mon père ? Un Arabe qui, autrefois, avait joué au foot avec lui,

aurait confié à Octave, un de mes oncles, que les fellaghas l’auraient

exécuté ainsi que d’autres prisonniers lors d’un accrochage avec l’armée.

Plus je vieillis, plus grandit la souffrance de ne rien savoir et de ne pas

pouvoir me recueillir sur sa tombe. »

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