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beaucoup de métropolitains, devant lesquels nous n’osions pas dire d’où
nous venions, de crainte de nous attirer des réflexions fielleuses, il
comprenait la souffrance des pieds-noirs. »
Josiane Laplume et Jean-Paul Theuriet se marient en 1965. Ils se fixent
à Dijon, où, dans sa recherche d’un emploi, Josiane se heurte à
l’animosité envers les pieds-noirs. Elle se sent obligée de camoufler son
accent « comme une tare ». Le patron d’un grand magasin, où elle a
déposé sa candidature à un emploi de vendeuse, se distingue par son
degré de sadisme. Il lui demande de lui fournir des attestations de ses
précédents employeurs à Bône. Évidemment, elle ne les a pas. Narquois,
il lui intime de retourner les chercher. En décembre 1966, Josiane et
Jean-Paul reprennent une charcuterie, rue Monge à Dijon, qu’ils tiendront
pendant quarante ans. Ils auront deux filles, Anne-Lyse et Magali, et
deux petites-filles, Louise et Gabrielle.
Le 12 janvier 1968, le tribunal de grande instance de la Seine déclarera
le père de Josiane décédé. Et le 20 décembre, le ministre français des
Affaires étrangères indiquera dans un courrier au consul de France à
Annaba, anciennement Bône :
« J’ai l’honneur de vous faire savoir qu’il est inutile de
poursuivre vos recherches en ce qui concerne les circonstances de la
disparition de M. Joseph Laplume au Kouif (Bône) en 1958. »
Josiane ne parvient pas à pardonner à la France son indifférence : « Le
ministère des Affaires étrangères, l’ambassade, la Croix-Rouge ne se sont
pas préoccupés de nous. Maman est morte en 2009, sans savoir quel avait
été le sort de son mari. Elle est inhumée dans le cimetière de
Chabreloche, où Louis l’avait précédée sept ans auparavant. Par hasard,
j’ai appris, en 2007, que mon père avait le droit d’être reconnu Mort pour
la France. Exemple du désintérêt des pouvoirs publics à notre égard :
personne ne m’en avait informée. »
Et Josiane n’a toujours pas de réponse à cette question : « Qu’ont-ils
fait de mon père ? Un Arabe qui, autrefois, avait joué au foot avec lui,
aurait confié à Octave, un de mes oncles, que les fellaghas l’auraient
exécuté ainsi que d’autres prisonniers lors d’un accrochage avec l’armée.
Plus je vieillis, plus grandit la souffrance de ne rien savoir et de ne pas
pouvoir me recueillir sur sa tombe. »