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d’explosions. « L’enfer prendrait ses aises à Oran, que les pieds-noirs
commençaient à fuir. Mon père tenait bon. Il refusait de les imiter. Il était
propriétaire de son appartement. Il avait construit sa vie dans cette ville.
En 1961, par précaution, il m’a envoyée chez un de ses frères, Gaston,
installé à Paris. Je ne m’y suis pas plu. Il faisait froid, les immeubles, les
monuments, le ciel étaient gris. Mes copines, mes habitudes, le soleil,
mon Oran me manquaient. Je suis rentrée. »
Les accords d’Évian ont dynamité le dernier verrou qui garantissait
encore un semblant de sécurité. « Dès le 19 mars 1962, tout a dégénéré.
On assassinait, on enlevait les gens. Un marchand de primeurs que je
connaissais a disparu. Il était allé à la campagne s’approvisionner en
er
légumes… Les référendums du 8 avril en métropole et du 1 juillet en
Algérie ont exacerbé les crispations. Le second frère de mon père,
Edmond, qui avait repris l’affaire de vente en gros de tissus indigènes
créée par leurs parents, a baissé le rideau du magasin. Ses clients,
majoritairement arabes, ne venaient plus. Comment avons-nous pu rester
dans cette ville devenue folle ? Ce n’était plus vivable. »
Enfermés dans leur appartement, les Pinto entendent les voitures de
l’armée française et de la gendarmerie, munies de haut-parleurs, sillonner
la ville en invitant les Européens à ne plus avoir peur et à reprendre une
vie normale. Ces messages ne les rassurent pas plus que le tract qu’a
diffusé le haut-commissaire de la République en Algérie. Si « après un
délai de réflexion de trois ans », les « Français d’Algérie » ne
choisissaient pas la nation algérienne, il leur certifiait un catalogue de
promesses sur la liberté des déplacements, l’utilisation de la langue
française, l’école des enfants, l’achat ou la vente de biens… Christian
Fouchet concluait : « Tout en conservant la nationalité française vous
aurez la garantie d’un traitement privilégié. »
Les Pinto n’ont pas confiance. Pourtant, ce matin du 5 juillet, vers
10 h 30, alors que des flots de manifestants surexcités convergent vers le
centre-ville, Viviane décide d’accompagner son fiancé, Charles-Henri
Ezagouri, qui a maintenu un rendez-vous professionnel dans le quartier
Gambetta. Sa mère, Perla, tente de l’en dissuader. Elle crie de la fenêtre :
« Reste ici, c’est trop dangereux ! » Elle ne l’écoute pas et monte dans la
voiture de Charles-Henri, qui démarre. Ils ne roulent pas longtemps.
Boulevard Clemenceau, impossible d’avancer. Une foule compacte et