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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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hurlante les bloque. Difficilement, Charles-Henri réussit un demi-tour…

Il progresse lentement. Place d’Armes, rue de la Révolution… Soudain,

des coups de feu. L’agressivité de la foule augmente. Des manifestants en

furie regroupent contre un mur les Européens qu’ils interceptent. Trois

individus en civil arrêtent le couple, inspectent la voiture. « Ils se sont

montrés corrects. Cependant, autour de nous, des femmes poussant des

youyous hystériques et des hommes, armés de couteaux, de fusils et de

revolvers, gueulaient à l’homme qui paraissait les commander de nous

abandonner à leur rage meurtrière. Rue Séguier, on les apercevait en train

de lyncher un Européen. Ils n’avaient pas l’intention de nous épargner.

Des femmes, les yeux exorbités, me regardaient en passant le doigt sur

leur cou. Elles éructaient : “Donne-la-nous ! Donne-la-nous !” J’étais

terrorisée. Je tremblais. L’homme m’a reconnue. Il habitait dans notre

rue. Il s’est interposé et nous a conseillé de gagner une caserne, rue du

Camp-Saint-Philippe, 300 mètres plus haut. Trop risqué. J’ai insisté pour

qu’il nous raccompagne jusque chez nous. Réticent, il a accepté. Après

plusieurs arrêts et des contrôles du véhicule nous obligeant à en

descendre, nous avons retrouvé le 10, rue Léon-Djian. Nous sommes des

rescapés. »

Plus tard, Viviane va croiser deux personnes qu’elle avait vues le long

du mur. Elles lui raconteront un miracle. L’homme qui lui a sauvé la vie

ainsi qu’à Charles-Henri a libéré, ce matin-là, d’autres pieds-noirs. « Il a

fait preuve d’une incroyable humanité au milieu d’un déchaînement de

barbarie. »

10, rue Léon-Djian, elle retrouve sa place, derrière les volets clos.

« Les Arabes, en civil ou tenue militaire de l’ALN, pénétraient dans les

immeubles, défonçaient les portes des appartements, arrêtaient leurs

occupants et tous les Européens qui passaient dans la rue. Ils les

abattaient sur place ou les rassemblaient, les escortaient en files indiennes

et les poussaient à l’arrière de camions. Ils n’avaient qu’un objectif :

trucider du “roumi”. Des scènes inoubliables. Des éclaboussures de sang

sur les façades, des flaques rouges sur les trottoirs. Des hurlements de

haine, des cris de douleur. »

De son côté, le père de Viviane est également sorti, curieux

d’appréhender ce qui se passe. « Que lui est-il arrivé ? Mystère ! »

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