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hurlante les bloque. Difficilement, Charles-Henri réussit un demi-tour…
Il progresse lentement. Place d’Armes, rue de la Révolution… Soudain,
des coups de feu. L’agressivité de la foule augmente. Des manifestants en
furie regroupent contre un mur les Européens qu’ils interceptent. Trois
individus en civil arrêtent le couple, inspectent la voiture. « Ils se sont
montrés corrects. Cependant, autour de nous, des femmes poussant des
youyous hystériques et des hommes, armés de couteaux, de fusils et de
revolvers, gueulaient à l’homme qui paraissait les commander de nous
abandonner à leur rage meurtrière. Rue Séguier, on les apercevait en train
de lyncher un Européen. Ils n’avaient pas l’intention de nous épargner.
Des femmes, les yeux exorbités, me regardaient en passant le doigt sur
leur cou. Elles éructaient : “Donne-la-nous ! Donne-la-nous !” J’étais
terrorisée. Je tremblais. L’homme m’a reconnue. Il habitait dans notre
rue. Il s’est interposé et nous a conseillé de gagner une caserne, rue du
Camp-Saint-Philippe, 300 mètres plus haut. Trop risqué. J’ai insisté pour
qu’il nous raccompagne jusque chez nous. Réticent, il a accepté. Après
plusieurs arrêts et des contrôles du véhicule nous obligeant à en
descendre, nous avons retrouvé le 10, rue Léon-Djian. Nous sommes des
rescapés. »
Plus tard, Viviane va croiser deux personnes qu’elle avait vues le long
du mur. Elles lui raconteront un miracle. L’homme qui lui a sauvé la vie
ainsi qu’à Charles-Henri a libéré, ce matin-là, d’autres pieds-noirs. « Il a
fait preuve d’une incroyable humanité au milieu d’un déchaînement de
barbarie. »
10, rue Léon-Djian, elle retrouve sa place, derrière les volets clos.
« Les Arabes, en civil ou tenue militaire de l’ALN, pénétraient dans les
immeubles, défonçaient les portes des appartements, arrêtaient leurs
occupants et tous les Européens qui passaient dans la rue. Ils les
abattaient sur place ou les rassemblaient, les escortaient en files indiennes
et les poussaient à l’arrière de camions. Ils n’avaient qu’un objectif :
trucider du “roumi”. Des scènes inoubliables. Des éclaboussures de sang
sur les façades, des flaques rouges sur les trottoirs. Des hurlements de
haine, des cris de douleur. »
De son côté, le père de Viviane est également sorti, curieux
d’appréhender ce qui se passe. « Que lui est-il arrivé ? Mystère ! »