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vont lui apprendre que son père a été enlevé. « Affolée, j’ai
immédiatement téléphoné à ma mère. Je lui ai dit que je voulais rentrer à
Oran. Elle a eu le plus grand mal à me calmer et m’a suggéré de la
rejoindre à Paris, où elle se trouvait encore. »
À Oran, les grands-parents Teuma ne négligent aucun contact
susceptible de leur fournir une piste. Même parmi les membres d’une
délégation d’Ahmed Ben Bella qui logent à l’hôtel Ampère. Ils ne
recueillent pas le moindre indice. Ils savent seulement que, vers 15 h 30,
le 5 juillet, leur fils et trois de ses employés ont quitté l’usine du 18,
boulevard Froment-Coste pour une livraison urgente à la base aéronavale
de Lartigues, derrière La Sénia. Ensuite, plus rien. Le sous-directeur de la
maison Montserrat et les proches des quatre disparus orientent leurs
recherches dans toutes les directions, hôpitaux, cliniques, morgues,
militaires français et algériens, administrations civiles…
Au bout de six mois, Oran leur ayant pris Paul et ne voulant plus
d’eux, François Teuma et Laure Brun se résignent à laisser derrière eux
l’Algérie, leur hôtel et tout ce qu’ils possèdent, n’emportant que
l’angoisse de ne rien savoir. « Ils se sont réfugiés dans un appartement
que mon grand-père avait acheté à Marseille, une ville qu’il adorait. »
Marie-Claude passe deux années, en classe de seconde puis de
première, dans un pensionnat catholique de Marseille, au Prado. « Les
religieuses nous proposaient de prier pour les accidentés de la route.
En revanche, rien pour les pieds-noirs. Nous n’étions que des exploiteurs
d’Arabes, des racistes. Notre désarroi n’avait pas de valeur à leurs yeux.
Je passais mes récréations à pleurer contre un arbre. Et j’ai raté
mon bac. »
Chez ses grands-parents, le chagrin paralyse tout. « Mon père était leur
fils unique. Personne ne parlait. » Un jour, Marie-Claude explose. « J’ai
brandi le revolver que mon grand-père avait rapporté d’Algérie. Et j’ai
hurlé : “Ça ne peut plus durer. Je ne veux plus vivre ainsi. Autant en finir
maintenant. Suicidons-nous.” J’étais à bout. » Exilés dans leur douleur, la
grand-mère de Marie-Claude décédera le 14 août 1972, son grand-père le
3 août 1980. Ils seront inhumés dans le vieux cimetière de Carcès, le
village natal de leur fils, près des arrière-grands-parents de Marie-Claude,
Ferdinand et Noelie Aicardy.