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« L’intérêt de la France a cessé de se confondre avec celui des
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pieds-noirs . »
5 juillet. L’Algérie proclame officiellement son indépendance. Cent
trente-deux ans plus tôt, jour pour jour, le dey d’Alger, représentant du
sultan ottoman qui régnait sur le Maghreb, avait ouvert les portes de sa
ville au général Louis Auguste Victor de Ghaisne, comte de Bourmont,
ministre de la Guerre du roi Charles X, commandant en chef d’une
expédition conçue, notamment, pour mettre fin, en Méditerranée, aux
pillages et aux captures d’esclaves par la piraterie barbaresque. En
mai 1830, 675 navires s’étaient éloignés des ports de Marseille et de
Toulon. Au lever du soleil, le 14 juin, plus de 30 000 soldats avaient
commencé à débarquer sur la presqu’île de Sidi-Ferruch.
Le 5 juillet 1962, l’Algérie devient donc un « État indépendant
coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations
du 19 mars 1962 ». La veille, en Conseil des ministres, le général de
Gaulle s’est entêté à négliger l’ampleur de l’exode des pieds-noirs :
« Même si beaucoup continuent à s’en aller, je suis persuadé que la
grande majorité d’entre eux retourneront en Algérie. »
À Oran, en quelques mois, la population européenne, qui était
majoritaire, a fondu de moitié, passant de 230 000 à 100 000 habitants.
La peur. Les messages rassurants diffusés par les haut-parleurs de
véhicules de l’armée française, qui sillonnaient la ville, ne l’ont pas
apaisée.
Dès le petit matin du 5 juillet, la liesse se répand dans les quartiers
arabes de la périphérie, Medioni, Lamur et Ville-Nouvelle. Par les
boulevards Andrieu, Maréchal-Joffre, Paul-Doumer, Sebastopol,
Magenta, Clemenceau, Giraud et Magenta, des cortèges, hérissés de
drapeaux algériens, convergent vers le centre, la place Foch et la place
d’Armes. Ils ne cessent de grossir. Entre les chants patriotiques, des
slogans glorifient Allah et les martyrs de l’indépendance. D’abord
joyeuse, la foule ne tarde pas à adopter l’arrogance des vainqueurs quand
elle croise des « roumis ». L’atmosphère se tend, s’électrise. Vers
11 h 30 : des coups de feu. Tirs de joie ? Quand ils se transforment en
longues rafales, la gaieté se noie sous d’hideux rictus, la haine enivre les
manifestants arabes. La panique s’empare des passants européens.