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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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« L’intérêt de la France a cessé de se confondre avec celui des

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pieds-noirs . »

5 juillet. L’Algérie proclame officiellement son indépendance. Cent

trente-deux ans plus tôt, jour pour jour, le dey d’Alger, représentant du

sultan ottoman qui régnait sur le Maghreb, avait ouvert les portes de sa

ville au général Louis Auguste Victor de Ghaisne, comte de Bourmont,

ministre de la Guerre du roi Charles X, commandant en chef d’une

expédition conçue, notamment, pour mettre fin, en Méditerranée, aux

pillages et aux captures d’esclaves par la piraterie barbaresque. En

mai 1830, 675 navires s’étaient éloignés des ports de Marseille et de

Toulon. Au lever du soleil, le 14 juin, plus de 30 000 soldats avaient

commencé à débarquer sur la presqu’île de Sidi-Ferruch.

Le 5 juillet 1962, l’Algérie devient donc un « État indépendant

coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations

du 19 mars 1962 ». La veille, en Conseil des ministres, le général de

Gaulle s’est entêté à négliger l’ampleur de l’exode des pieds-noirs :

« Même si beaucoup continuent à s’en aller, je suis persuadé que la

grande majorité d’entre eux retourneront en Algérie. »

À Oran, en quelques mois, la population européenne, qui était

majoritaire, a fondu de moitié, passant de 230 000 à 100 000 habitants.

La peur. Les messages rassurants diffusés par les haut-parleurs de

véhicules de l’armée française, qui sillonnaient la ville, ne l’ont pas

apaisée.

Dès le petit matin du 5 juillet, la liesse se répand dans les quartiers

arabes de la périphérie, Medioni, Lamur et Ville-Nouvelle. Par les

boulevards Andrieu, Maréchal-Joffre, Paul-Doumer, Sebastopol,

Magenta, Clemenceau, Giraud et Magenta, des cortèges, hérissés de

drapeaux algériens, convergent vers le centre, la place Foch et la place

d’Armes. Ils ne cessent de grossir. Entre les chants patriotiques, des

slogans glorifient Allah et les martyrs de l’indépendance. D’abord

joyeuse, la foule ne tarde pas à adopter l’arrogance des vainqueurs quand

elle croise des « roumis ». L’atmosphère se tend, s’électrise. Vers

11 h 30 : des coups de feu. Tirs de joie ? Quand ils se transforment en

longues rafales, la gaieté se noie sous d’hideux rictus, la haine enivre les

manifestants arabes. La panique s’empare des passants européens.

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