21.07.2022 Views

Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

d’Oran, une jeune chrétienne de Tiaret, Habiba Kouider, trente-sept ans, éducatrice dans une crèche.

Dans son sac : des Bibles et des Évangiles. Accusée de « pratique d’un culte non musulman sans

autorisation ». Le procureur lui proposera un marché : « Tu réintègres l’islam, et je classe le dossier ;

si tu persistes dans le péché, tu subiras les foudres de la justice ! » Le 12 août 2010, en Kabylie, deux

ouvriers, Hocine Hocini, quarante-quatre ans, et Salem Fellak, trente-quatre ans, seront inculpés pour

« atteinte et offense aux préceptes de l’islam ». La police les a surpris, sur un chantier, « en flagrant

délit de consommation de denrées alimentaires ». Ils rompaient d’un casse-croûte le jeûne du

ramadan. Au tribunal, Hocine Hocini objectera qu’il n’est pas musulman, mais chrétien. Le procureur

lui conseillera de « quitter ce pays qui est une terre d’islam ».

8. Dès qu’il est informé de l’ampleur des massacres (171 victimes), Jacques Soustelle, alors

gouverneur général d’Algérie, se rend sur les lieux. Quelques mois plus tard, dans Aimée et

souffrante Algérie, livre publié en 1956, aux éditions Plon, il racontera ce qu’il a vu : « Alignés sur

les lits, dans des appartements dévastés, les morts, égorgés et mutilés (dont une fillette de quatre

jours) offraient le spectacle de leurs plaies affreuses. Le sang avait giclé partout, maculant ces

humbles intérieurs, les photos pendues aux murs, les meubles provinciaux, toutes les pauvres

richesses de ces colons sans fortune. À l’hôpital de Constantine, des femmes, des garçonnets, des

fillettes de quelques années gémissaient dans leur fièvre et leurs cauchemars, des doigts sectionnés, la

gorge à moitié tranchée… » Après son déplacement à El Halia, Jacques Soustelle, ethnologue, député

gaulliste du Rhône, jusque-là partisan du dialogue, rompt tous pourparlers avec des interlocuteurs

cautionnant pareille sauvagerie. Il ordonne la plus grande fermeté dans la répression. Un millier

d’Arabes sont tués par l’armée et des milices de pieds-noirs formées dans la douleur.

9. Pierre Montagnon, Histoire de l’Algérie, Pygmalion, 1998.

10. André Rossfelder, Le Onzième Commandement, Gallimard, 2000.

11. Albert Camus, Essais, Gallimard, 1972.

12. Alain Vincenot, Pieds-noirs, les bernés de l’Histoire, L’Archipel, 2014.

13. Le 14 juin 1830, trente ans avant le rattachement de la Savoie à la France, l’armée du roi

Charles X débarquait, au lever du jour, sur la presqu’île de Sidi-Ferruch. Dans la soirée, la

re

1 division d’infanterie, sous les ordres du général baron Pierre Berthezène, épaulée par la division

Loverdo, contrôlait la place. Le 5 juillet, le dey d’Alger, représentant du sultan ottoman qui régnait

sur le Maghreb, se pliait à l’acte de capitulation transmis par le général Louis Auguste Victor de

Ghaisne, comte de Bourmont, ministre de la Guerre, Commandant en chef de l’expédition. Le texte

prévoyait : « L’exercice de la religion mahométane restera libre ; la liberté des habitants de toutes les

classes, leur religion, leur commerce, leur industrie, ne recevront aucune atteinte ; leurs femmes

seront respectées. Le général en chef en prend l’engagement sur l’honneur. » Pour Charles X, il

s’agissait de laver un affront vieux de trois ans. Le 29 avril 1827, veille de l’Aïd el Seghir, fin du

ramadan, le dey d’Alger, avait, au cours d’une audience rendue houleuse par des créances impayées,

donné un coup de chasse mouche au consul de France, Pierre Duval. Ce n’était pas la seule raison.

Les pays européens voulaient mettre un terme à la piraterie barbaresque qui, depuis des siècles,

infestait la Méditerranée, aux captures de chrétiens vendus comme esclaves sur les marchés d’Alger

et aux cruels supplices dont Arabes et Ottomans appréciaient le spectacle. En mai 1830, 675 navires,

avec à leur bord plus de 36 000 soldats, avaient levé l’ancre à Marseille et Toulon. Avant

l’embarquement, le général en chef leur avait transmis son premier ordre du jour : « La cause de la

France est celle de l’humanité. Montrez-vous dignes de votre belle mission. Qu’aucun excès ne

ternisse l’éclat de vos exploits ; terribles dans le combat, soyez justes et humains après la victoire. »

14. Albert Camus, Le Premier homme, Gallimard, 1994. Le 4 janvier 1960, quand, à hauteur de

Villeblevin, un village de l’Yonne, la Facel Vega du neveu de l’éditeur Gaston Gallimard, Michel

Gallimard, directeur de la collection « Bibliothèque de La Pléiade », s’est encastrée, à 13 h 55, sur un

des platanes bordant la RN6, entre Champigny-sur-Yonne et Villeneuve-la-Guyard, tuant Albert

Camus sur le coup, dans une sacoche se trouvaient les 144 pages du Premier homme. Inachevé, le

manuscrit ne sera publié que trente-quatre ans plus tard.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!