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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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avaient bâtie, qui les émerveillait et qui ne veut plus d’eux. « La valise ou

le cercueil. » Se sentant menacée, Georgette Prudhon demande la

protection du consulat de France. Refusée. Plus sensible à son désarroi

que l’antenne diplomatique de la patrie des droits de l’homme, le

consulat de Grande-Bretagne lui délègue deux gardes du corps. Elle a

peur. Constamment. Elle a très peur. Son courage, qui parfois fléchit, ne

cède pas, soutenue par ses quelques amis qui ne sont pas encore partis.

Un couple possède une boutique de vêtements, rue Michelet. Il

l’embauche comme vendeuse. « Ils voulaient lui changer les idées. »

En 1964, après avoir tout tenté, frappé à toutes les portes, Georgette

Prudhon ne peut plus nier l’évidence : les ravisseurs de son mari l’ont

assassiné. Plus rien ne la retient en Algérie, dont elle n’attend plus que

des regrets et des larmes. Elle part pour la France, laissant derrière elle la

villa Murat du Club des Pins, l’appartement de la rue Lys-du-Pac, les

rues colorées et odorantes, les paysages écrasés par le soleil et tous les

biens de la famille, condamnés au pillage. « Elle n’a récupéré que

quelques meubles, ainsi que ma Dauphine bleue, cadeau de mon père,

qu’elle a pu embarquer, une prouesse. » Elle loue un appartement à Nice.

Ainsi, elle ne s’éloigne pas de sa chère Méditerranée. Nombre de piedsnoirs

se sont regroupés dans le Midi, le soleil du Sud et la mer leur

donnant l’illusion de maintenir un lien avec leur pays perdu. Avançant en

âge, elle prendra pension dans une maison de retraite, où elle décédera en

septembre 2005.

À Paris, Michèle est à l’affût du signe le plus mince. Rien. « Ça faisait

très mal. » Longtemps, de terribles questions l’ont obsédée. Son père estil

vivant ? Blessé ? Où est-il détenu ? Est-il mort ? « Je prie le Ciel qu’il

n’ait pas été torturé. Et le gouvernement de De Gaulle qui se foutait de

nous, au nom de la grandeur de la France, nous affublant presque de

l’infamant statut de délinquants. » Dans les mois qui suivent son

rapatriement, Michèle est prise de crises d’asthme. Cependant, il lui faut

avancer. « Très bien accueillie » par ses collègues de la Maison de la

Radio, elle va reprendre confiance en elle : travaillant à la réalisation

d’émissions, elle y restera jusqu’à la retraite.

Une part d’elle-même ne se détache pas de cette Algérie que, jamais,

elle n’aurait imaginé devoir quitter. Les inoubliables années de sa

jeunesse, où l’insouciance se partageait entre les études, la plage et les

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