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avaient bâtie, qui les émerveillait et qui ne veut plus d’eux. « La valise ou
le cercueil. » Se sentant menacée, Georgette Prudhon demande la
protection du consulat de France. Refusée. Plus sensible à son désarroi
que l’antenne diplomatique de la patrie des droits de l’homme, le
consulat de Grande-Bretagne lui délègue deux gardes du corps. Elle a
peur. Constamment. Elle a très peur. Son courage, qui parfois fléchit, ne
cède pas, soutenue par ses quelques amis qui ne sont pas encore partis.
Un couple possède une boutique de vêtements, rue Michelet. Il
l’embauche comme vendeuse. « Ils voulaient lui changer les idées. »
En 1964, après avoir tout tenté, frappé à toutes les portes, Georgette
Prudhon ne peut plus nier l’évidence : les ravisseurs de son mari l’ont
assassiné. Plus rien ne la retient en Algérie, dont elle n’attend plus que
des regrets et des larmes. Elle part pour la France, laissant derrière elle la
villa Murat du Club des Pins, l’appartement de la rue Lys-du-Pac, les
rues colorées et odorantes, les paysages écrasés par le soleil et tous les
biens de la famille, condamnés au pillage. « Elle n’a récupéré que
quelques meubles, ainsi que ma Dauphine bleue, cadeau de mon père,
qu’elle a pu embarquer, une prouesse. » Elle loue un appartement à Nice.
Ainsi, elle ne s’éloigne pas de sa chère Méditerranée. Nombre de piedsnoirs
se sont regroupés dans le Midi, le soleil du Sud et la mer leur
donnant l’illusion de maintenir un lien avec leur pays perdu. Avançant en
âge, elle prendra pension dans une maison de retraite, où elle décédera en
septembre 2005.
À Paris, Michèle est à l’affût du signe le plus mince. Rien. « Ça faisait
très mal. » Longtemps, de terribles questions l’ont obsédée. Son père estil
vivant ? Blessé ? Où est-il détenu ? Est-il mort ? « Je prie le Ciel qu’il
n’ait pas été torturé. Et le gouvernement de De Gaulle qui se foutait de
nous, au nom de la grandeur de la France, nous affublant presque de
l’infamant statut de délinquants. » Dans les mois qui suivent son
rapatriement, Michèle est prise de crises d’asthme. Cependant, il lui faut
avancer. « Très bien accueillie » par ses collègues de la Maison de la
Radio, elle va reprendre confiance en elle : travaillant à la réalisation
d’émissions, elle y restera jusqu’à la retraite.
Une part d’elle-même ne se détache pas de cette Algérie que, jamais,
elle n’aurait imaginé devoir quitter. Les inoubliables années de sa
jeunesse, où l’insouciance se partageait entre les études, la plage et les