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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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Plus grande, Geneviève apprendra que sa mère, malgré la fatigue de la

grossesse, a sillonné tout Oran pour retrouver son mari et son oncle. « Au

consulat de France, où on l’a toisée de haut, elle a déposé avis de

recherche et photos d’identité. Elle a signalé leurs disparitions au

commissariat central, où il n’y avait plus que des policiers arabes. Elle a

contacté la Croix-Rouge. Elle a même demandé une audience à un

commandant de l’ALN et s’est aventurée dans les locaux du FLN. Vous

vous rendez compte ? Elle faisait preuve d’un culot monstre. Elle aurait

très bien pu finir dans une des fosses communes du Petit-Lac. Tous ces

efforts pour rien. »

Le 5 juillet 1962 a expulsé les dernières familles européennes de la cité

Robespierre. « Autour de nous, les logements n’étaient plus occupés que

par des Arabes. Sans scrupules, ils avaient pris possession des meubles et

de tout ce que n’avaient pu emporter les anciens locataires. Des balcons

communs longeaient les appartements. Bien qu’impatients de nous voir,

nous aussi, dégager, nos nouveaux voisins ne se montraient pas

particulièrement agressifs à notre encontre. En revanche, ils ont

empoisonné la vingtaine de bengalis, de canaris et de perruches que mon

père élevait dans une volière. Sa passion. Surtout les bengalis. Ma mère

se lamentait : “Ils ont même tué les oiseaux de votre père. Ils ne nous

auront rien laissé.” Elle ne comprenait pas tant de méchanceté. »

Moment d’émotion à la naissance de la sœur de Geneviève, Nadine

(« on la surnommera Nanou »), le 16 janvier 1963. « Un cousin de ma

mère était allé la déclarer à la mairie d’Oran. Un employé municipal l’a

informé que, s’il l’enregistrait, elle aurait la nationalité de la République

algérienne démocratique et populaire. Ce fut un choc. Ma mère tenait

absolument à ce que ses enfants restent français. Mon arrière-grand-père

Bordonado s’était fait naturaliser en 1905 afin que ma grand-mère soit

française. Finalement, Nadine a été déclarée au consulat de France,

comme Française née à l’étranger. »

Malgré un quatrième enfant, Huguette Perez ne renonce pas. Elle a un

but : sauver son mari. Ses visites, ses courriers se perdent dans

l’indifférence. L’apathie de l’armée française « écœure » Geneviève :

« Mon père et Joseph Garcia travaillaient pour elle. Je n’ai jamais

compris que celle-ci perde deux de ses employés et ne se préoccupe pas

de leur sort. Cette désinvolture me dégoûte. Maman a demandé à un de

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