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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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29 novembre 1962. Courrier de l’ambassadeur de France à Alger,

Jean-Marcel Jeanneney, à Louis Joxe :

« Les rapports unanimes de nos consuls constatent ce glissement

général des départements algériens vers un “niveau de vie” qui ne

sera nullement comparable à celui que la France avait

artificiellement assuré à l’Algérie. Cela était sans doute une des

conséquences inévitables de l’indépendance, mais les accords

d’Évian, s’ils avaient pu être appliqués dans le contexte prévu, en

auraient limité l’ampleur et nos compatriotes auraient pu, sans trop

de mal, s’adapter aux conditions nouvelles qui leur auraient été

faites. Aujourd’hui, ils ont le sentiment, au moins dans les

campagnes et les petites villes, qu’il n’y a plus de place pour eux

dans un pays livré au marasme économique et au désordre

administratif. À moins d’un sérieux redressement, que l’évolution

des dernières semaines ne permet pas d’espérer, il est probable que

nos ressortissants devront tirer les conséquences d’un état de fait

irréversible et renoncer à se maintenir, avec une installation

permanente, dans l’intérieur du pays. Il est de plus en plus clair que

la colonie française n’a de chance de subsister qu’à Alger et dans

quelques grandes villes qui resteront peut-être comme les façades

modernes et occidentalisées d’un pays retombé, pour de nombreuses

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années, en arrière . »

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Président de SOLDIS-Algérie , le général Henry-Jean Fournier voit

dans le 19 mars 1962 « le signal d’une période particulièrement

douloureuse de la tragédie algérienne » :

« À partir de cette date et jusqu’à l’exode total des Européens

d’Algérie, il y a eu plus de victimes, d’origine européenne ou nordafricaine,

que durant toute la guerre. Assassinats et enlèvements, qui

avaient été pratiquement éradiqués, ont connu une virulence

accentuée par la sauvagerie et le caractère irrationnel des actes

commis. S’il n’existait qu’une seule raison pour refuser le 19 mars,

elle ferait appel à la mémoire de tous ceux qui sont tombés là-bas et

dont la mort n’a servi à rien. Elle ferait surtout appel à tous ceux qui

sont morts après, parce que la France avait baissé les armes et les

avait abandonnés à leurs tueurs. Vouloir célébrer le 19 mars est un

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